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Game of Thrones : l’oeuvre des dieux, la part du diable

L’avant-dernière saison de Game of Thrones, 7e du nom, s’est achevée hier soir dans un final saisissant. Morts, vivants, morts-vivants se sont succédés au cours d’une saison qui ne semble même pas avoir dévoilé tout le potentiel destructeur d’une série qui touche à sa fin.

ATTENTION SPOILER SUR TOUT GAME OF THRONES SANS DISTINCTION. LA LECTURE SE FAIT A VOS RISQUES ET PERILS.

Rappelez-vous qu’au début de cette saison 7 de Game of Thrones, Daenerys arrivait à Peyredragon pour planifier son rouleau-compresseur militaro-dragonesque, que Jon et Sansa tentaient de faire exister le Nord au milieu du conflit des Reines, que Cersei commençait à devenir de plus en plus monomaniaque, même envers Jaime, puisqu’elle veut gagner cette guerre quitte à se battre seule contre tous. Tous les personnages, à l’instar de Sam en train de récurer les chiottes et autres corvées à la Citadelle, tentent d’accomplir le destin qui leur est réservé (du moins c’est ce qu’ils croient). Sauf qu’à force de mettre la poussière sous le tapis, c’est une autre menace, autrement plus dangereuse, qui est venue créer l’angoisse : les Marcheurs Blancs.

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Plus que six épisodes. Six épisodes qui seront autant de mini-films pour tâcher de conclure une série dont le filon semble inépuisable. A la fin de cette saison 7, il nous semble avoir seulement vu 25 à 33% (soit entre un quart et un tiers) de ce que Game of Thrones sait faire, cette capacité à ruiner autant les espoirs que les désespoirs, capacité réclamée à cors et à cris par les fans depuis la saison 4 au moins. Oui mais voilà, Game of Thrones n’est pas qu’affaire de sang et de larmes, elle est aussi affaire de philosophie, de politique, et de philosophie politique. Clausewitz disait que la guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens, et c’est on ne peut plus vrai pour cette série. Sinon, comment expliquer l’assurance de Tyrion quand il se rend, seul et désarmé, dans le bureau d’une Cersei qui est en mode guerre depuis des lustres et qui ne pense qu’à trucider son frère ? Cersei (Lena Headey toujours plus diabolique) est d’ailleurs l’exemplification même des propos de Clausewitz : tout en théorisant son propre art de la guerre à un Jaime complètement dépassé, tout en négociant sa position avec la Banque de Fer, tout en discutant d’une trêve à laquelle elle prête finalement peu attention, elle réussit, seule, quasiment sans bannerets (et quand elle en a ils se font griller vifs), à tenir tête à Daenerys, notamment dans la prise de Hautjardin, mais aussi dans son complot avec Euron Greyjoy pour rapatrier une nouvelle armée, la Compagnie Dorée, dont personne n’avait jamais entendu parler. Signe que la connaissance est l’une, sinon LA, chose la plus importante dans la conquête et la victoire à la guerre, chose que Tyrion avait théorisée à sa manière : « I drink and I know things ».

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La guerre, les connaissances, autant de choses qui rappellent que les mots sont importants. Toute cette saison, il aura été question de la parole et de son poids dans les balances, sans jamais la garantie qu’elle fasse passer du négatif au positif. C’est d’ailleurs la marque de fabrique de la série, qui a fait de sa plaque politique sa figure de proue la distinguant et la rendant culte au milieu des productions américaines. Dans une saison qui a une fois de plus gardé, malgré de lourdes incohérences temporelles pas très heureuses (dur de respecter des distances réelles et un cahier des charges en 7 épisodes – ou quand la réalité de la production rencontre celle de la réalisation ; mais il faut savoir ce que l’on veut), un certain équilibre entre théorie et pratique, c’est bien cette parole qui importe le plus, puisque c’est celle qui influence. La parole est celle qui scelle (l’alliance entre Daenerys et Jon Snow), celle qui fait (Theon qui reprend de l’assurance au point d’étaler son ex-chef des armées et de rediriger ses Fers-Nés vers la libération de Yara), celle qui lie (Brienne envers les Stark, Thoros envers le Maître de la Lumière…), celle qui manipule (Cersei VS la Banque de Fer ou Littlefinger VS Arya)… En fin de compte, la parole est perlocutoire : sa force, sa puissance, peuvent faire et défaire des armées, régler et dérégler des situations. Les personnages ne s’y trompent pas lorsqu’ils organisent, à Port-Réal, l’un des meetings les plus frissonnants qui soient, puisque tous les protagonistes sont ainsi réunis. Tout l’enjeu est de maîtriser cette fonction perlocutoire pour qu’elle soit aussi efficace à l’extérieur qu’à l’intérieur. Et là encore, Cersei Lannister est la meilleure puisqu’aucun, jusqu’à son propre frère, ne soupçonnent la Reine d’avoir comploté avec Euron Greyjoy pour en fait prendre à revers Daenerys. Une stratégie qui, quand l’on voit sa connaissance technique et sa résistance au cours de la saison, pourrait la mener à la victoire… ou à sa perte.

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Car ce que montre aussi cette saison 7, c’est que rien n’est gravé dans le marbre. Ni les alliances, qui sont fragiles, ni les intrigues, qui sont imprévisibles, ni les complots, inefficaces dans une série où la méfiance est un sport national. Regardez Littlefinger, tué comme un malpropre par une fille totalement niaise au début de la série, mais qui a engrangé de l’expérience au fur et à mesure de sa souffrance. Au point de briser et prendre la vie du maître du jeu des trônes, à son propre jeu, profitant de sa seule et unique faiblesse. Car dans cette saison 7, ce que l’on voit, ce sont des personnages aux traits tirés, qui ont appris de leurs erreurs, des événements passés, et qui plus que jamais tentent de survivre et donc de placer leurs pions plutôt que de subir (il suffit de voir Arya, qui n’a plus rien à voir avec celle qui a assisté à la mort de son père). Cette saison a totalement redéfini le jeu des trônes tel qu’on le connaît. Loin de donner un avantage à l’un ou l’autre camp (un camp a-t-il jamais eu un véritable avantage ?), Game of Thrones a plutôt recentré le jeu sur une autre de ses marques de fabrique : la mort. Plutôt paradoxal dans une série où les morts sont légion et où la cruauté de la vie frappe aveuglement ; mais il faut voir Tyrion s’offrir en pâture à Cersei pour comprendre que la mort n’est qu’un élément de décor désormais et qui ne fait plus peur depuis longtemps tant on y est préparé ; ou même Jon qui n’hésite pas à suivre la doctrine politique de son père, même si cela a coûté la vie à celui-ci ou à Robb. Mais ce dont on veut parler, c’est évidemment des Marcheurs Blancs, plus puissants et plus déterminés que jamais, avançant inexorablement, récupérant des troupes au fil des morts. Et qu’est-ce que cette peur des Marcheurs Blancs qui anime Jon, puis Tyrion, puis Daenerys ou même Sandor Clegane et Tormund, sinon une peur de la mort, non celle d’une défaite au jeu des trônes, mais celle de voir sa propre mort nous échapper, alors qu’on est lancés dans un projet (la guerre) qui doit décider si elle en veut bien ou non ? On imagine déjà la tête de Daenerys quand elle retrouvera son dragon zombie…

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C’est là que Game of Thrones a placé un de ses éléments finalement méconnus, mais pourtant bien présent, bien prégnant, et qui pendait au nez des personnages malgré leur dédain et leur incrédulité, une chose dont le statut de surgissement et d’exceptionnel n’avait pas suffisamment retenu l’attention (il suffit de voir les doutes de Daenerys et Cersei) : le fantastique. Depuis trois saisons, la série s’emploie à développer sa veine fantastique, justement pour montrer qu’elle aura une importance capitale dans la résolution des conflits. Regardez Bran, qui est devenu la corneille à trois yeux, et qui sait des choses qui feraient trembler des empires (la connaissance, encore et toujours) : il s’en sert d’ailleurs pour l’exécution de Littlefi nger, et connaît le plus grand secret de Jon Snow, alias Aegon Targaryen II. Et de rappeler une fois de plus que les événements ne donneront jamais un avantage décisif à l’un ou l’autre camp, mais qu’il y aura des pertes, du sang, des larmes, de la cruauté partout, et que finalement, il pourrait bien y avoir un perdant vainqueur de ce combat (comment dominer un territoire où les morts avancent inexorablement ?). Voyez Daenerys, qui a perdu un de ses dragons, alors qu’on croyait ces braves bêtes invincibles, ayant même résisté à l’arbalète géante conçue par Cersei. Le fantastique n’est pas juste un élément d’entertainment placé bêtement pour le plaisir des spectateurs : il fait de la mort, pas une marotte pour le plaisir morbide des spectateurs ou les pulsions des personnages, mais un acteur récurrent et profondément actif de la série. Sinon, pourquoi se matérialiserait-elle en armée ? C’est bien la seule chose que l’on ne peut pas arrêter, et alors que le camp Targaryen and co s’en rend enfin compte, il apparaît, à l’image du dragon-zombie qui explose le Mur à coups de lance-flamme pour pénétrer dans Westeros as we know it, qu’il est trop tard et que tous les mensonges que les personnages se sont racontés (à l’image de l’union Rhaegar/Lyanna en faux prétexte de guerre) leur explosent à la figure. Valar Morghulis, comme qui dirait.

Plus que 6 épisodes, désormais, avant la fin de Game of Thrones. Avec encore tellement de choses à régler, c’est un compte à rebours qui s’annonce haletant.

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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