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La Planète des Singes Suprématie : Nouvelle ère

Trois ans après L’ Affrontement, second volet de la dernière trilogie en date qui revient aux sources de la révolte des singes, La Planète des Singes Suprématie vient clore en beauté cette nouvelle adaptation cinématographique du bijou science-fictionnel de Pierre Boulle. Et si ce troisième et ultime chapitre se révèle plutôt concis, s’appuyant sur un scénario aux enjeux et aux références classiques, il n’en demeure pas moins honorable, offrant un spectacle épique de grande envergure, dont certains plans relèvent du génie.

Alors que les tensions entre singes et humains sont à leur comble, César entend calmer le jeu et ordonne à son peuple de n’être offensifs qu’en cas d’attaque pour donner l’exemple, redoutant de sombrer dans la haine de Koba qui les a conduit à l’affrontement. C’était sans compter sur l’assaut meurtrier d’une armée fanatique déterminée à exterminer les Singes dans le but de sauver les hommes de l’extinction. Le désir de vengeance de César aura t-il raison du destin des siens ?

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Avec les deux premiers volets de cette nouvelle franchise consacrée à la cultissime Planète des Singes, qui débutait en 2011 avec un premier film pas toujours apprécié à sa juste valeur, malgré ses clichés, exit les costumes de singes, qui avec le recul peuvent faire sourire, la toute jeune trilogie réalisée en motion capture, offrait à l’histoire symbolique du soulèvement des primates, un nouveau souffle, plus réaliste, dépoussiérée par la technologie et une vision plus indépendante du roman, non moins juste et très engageante. Renaissance que confirmait le second film porté par Matt Reeves, bien plus abouti tant dans sa forme que dans ses ressorts. Et bien que de nombreux reproches ont été faits à la version de Tim Burton, qui se centrait sur d’autres aspects de l’histoire d’origine, dans la veine satirique du réalisateur, notamment le ridicule de la situation et la cruauté des hommes via celle des singes, il faut bien admettre que chaque adaptation possède sa singularité propre et fait la part belle à différents éléments de l’histoire selon les projets. C’est le cas de Suprématie, épilogue de la quête d’émancipation des Singes guidés par leur mentor César, qui s’inscrit clairement dans l’analogie à l’Histoire de notre évolution, initiée dès Les Origines (2011), ramenant ainsi l’intrigue à ses racines Darwinistes tout en questionnant les ambitions de notre espèce, pas toujours honorables, et file cette métaphore évidente dans une épopée qui tourne à la guerre de civilisations.

Le film de Matt Reeves possède des qualités indéniables et une sensibilité que peu de blockbusters actuels peuvent se targuer de maîtriser : à commencer par une motion capture à couper le souffle, qui donne une apparence plus vraie que nature aux singes dotés d’une expressivité rarement atteinte (voire en la matière, jamais, en fait), et dont le meilleur ambassadeur reste Andy Serkis qui campe un César transcendé, attachant, dont l’œil perçant est plus parlant que n’importe quelle réplique. D’ailleurs, la particularité de cet opus réside dans son quasi-mutisme, la majorité des échanges se faisant entre singes et donc par la gestuelle et le regard. Les décors et la photographie viennent sublimer les effets spéciaux et achèvent la gradation opérée dans les deux précédents volets qui partaient de la ville pour arriver progressivement à la nature, terre originelle des singes ; chevauchées à cru dans la neige, impressionnante caverne sous une cascade, bâtisse délabrée transformée en palais blanc… Les plans d’ensemble sur un univers quasi-apocalyptique s’enchaînent, présentant les prémices de ce qui deviendra la planète des singes. Suprématie vous réserve de très belles images et une narration soignée qui rythmait déjà L’Affrontement et berce délicatement ce troisième volet pour une immersion des plus efficaces.

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Mais pourtant, malgré un manque de défauts flagrant, si on cherche la petite bête, Suprématie n’est pas parfait. Ou plutôt disons qu’il n’est pas la parfaite suite attendue à L’Affrontement, qui proposait moult rebonds haletants, habilement entrecoupés de moments forts, riches en émotion et d’interaction entre les singes, les hommes et leurs semblables plus réticents à l’idée d’une cohabitation pacifique inter-espèces. En effet, si le dernier film nous laissait sur le seuil d’une guerre imminente entre hommes et singes, nous promettant bouquet final on ne peut plus garnis, ici, le scénario prend un tout autre tournant, un axe plus linéaire où il est encore question de vengeance et de ressentiment, de mettre sa haine de côté pour préserver les siens et tout un tas de leçons que César devra apprendre et dont on sait pertinemment par avance, qu’il finira bien par retenir dans sa grande sagesse. Parce que sinon, à quoi bon tout ça ? Mais ces concession Hollywoodiennes qui n’altèrent en rien la sincérité du film, ne sont pas pour le faire sortir des sentiers battus, et nous entraînent dans une chasse à l’homme obstinée qui voit les singes parqués dans un camp militaire, plutôt qu’une véritable lutte de grande ampleur contre les Hommes, qui, se faisant de plus en plus hostiles, sont réduits à un bataillon d’extrémistes prêts à tuer les leur pour que l’humanité survive, guidés par Woody Harrelson grimé en colonel Kurtz, qui, fidèle à lui-même, livre une bonne performance mais qui ne lui permet pas de surprendre plus que d’ordinaire et c’est fort dommage.

Non pas que la représentation de la cruauté humaine sans borne, et de son goût pour les camps de concentration soit gênante, mais l’intrigue s’y attarde si lourdement que nous ne sortons finalement du camp de Tower Rock que pour achever le film, et la trilogie par la même occasion. Ce point final qui se fait sur une note d’espoir prophétique et propose un tableau qui renoue avec la portée spirituelle du roman, dans la construction d’une nouvelle mythologie, sorte d’Age d’Or à l’orée de ce qui sera par la suite un monde simien, peut sembler précoce même s’il est satisfaisant. Un final sans doute prématuré, car Reeves n’exploite pas suffisamment le potentiel du message de son film, pourtant plus nuancé qu’il n’y parait. Ce n’est pas faute d’avoir du grain à moudre pourtant puisque dans sa quête, César constatera qu’il s’est trompé, et qu’il subsiste du bon en l’homme, mais aussi qu’il existe différentes visions de la survie, dont l’une implique l’égoïsme et le sacrifice de ses semblables. Une autre facette du comportement humain qui s’ajoute à celles déjà évoquées par la trilogie. Aussi, la pandémie de mutisme qui frappe l’humanité permet de mettre en évidence que le langage est un facteur essentiel pour expliquer notre évolution, mais qu’il n’est pas la condition sine qua non aux valeurs fondatrices de l’humanité. Approfondir cet aspect, déjà accentué par le fait que ceux qui font preuve d’altruisme, en l’occurrence, ne parlent pas, aurait permis de d’accentuer davantage la critique de l’anthropocentrisme humain qui est au cœur de La Planète des Singes, et donc d’affiner le propos majeur du film et de la franchise ; les Hommes n’ont pas le monopole de la sensibilité et de l’intelligence.

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La question de la corruption de certains singes, prêts à trahir leur propre nature et les leur, quitte à se faire humilier par l’autre camp pour survivre, est à nouveau abordée, de même que la division des prises de position au sein du groupe, dont certains prônent encore le conflit avec les hommes. Un détail scénaristique qu’il aurait été intéressant de voir étoffé en ces circonstances, et aurait pu s’avérer on ne peut plus fructueux que le choix de l’estomper, en autres choses, au profit d’une trame unique guidant la majeure partie du film : sortir du camp. Objectif qui l’emporte sur nombre de bons ingrédients et lisse quelque peu les profils-types des nouveaux personnages, sympathiques mais hélas trop peu développés, favorisant l’aboutissement de la libération et la leçon de pacifisme qui est à la clé.

Mais si l’on est moins tatillons, il est facile de reconnaître que Suprématie reste un bon film, un excellent blockbuster, qui sait parfaitement jouer de ses acquis graphiques pour bâtir une aventure homérique et donner vie comme jamais auparavant, à l’univers imaginé par Boulle dans les années 1960. Les films de Matt Reeves (L’affrontement – Suprématie) sont une prouesse technique et une petite révolution, présentant une société de singes plus authentique, moins humanisés en apparence que ceux des précédentes versions du livre, retour aux sources oblige. La trilogie constitue ainsi une base plus que crédible à la suite plus connue de l’histoire des singes. Le tout mis au service de l’épique, donnant de l’essence, du lyrisme et un rythme incroyable à cette réécriture de l’œuvre de Pierre Boulle, qui reste incontestablement à ce jour la meilleure d’entre-toutes (Pardon Tim ):

 

La planète des Singes : Suprématie – En salles le 2 août 2017

Visuels : © Twentieth Century Fox France

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