Les Franchises au cinéma

Pirates des Caraïbes, la Vengeance de Salazar : à qui la paternité ? (100% spoiler + scène post générique)

Après trois volets très appréciés et un quatrième film qui a déjà plus divisé les foules, Jack Sparrow revient dans un cinquième opus de Pirates des Caraïbes, qui aurait pu être l’opus de trop. Les premières critiques US sont déjà tombées, elle ne mentent pas sur la marchandise : La Vengeance de Salazar pourrait bien être la meilleure bobine de toute la franchise.

Dans ce nouvel opus de Pirates des Caraïbes, Jack Sparrow n’a toujours pas trouvé de moyen de sortir le Black Pearl de sa bouteille, et n’a plus de sou vaillant ni d’équipage, il se retrouve traqué par un ancien ennemi et son armée de morts… Il devra compter sur l’aide d’une jeune fille experte en sciences et du fils de Will Turner pour trouver le Trident de Poséidon, sa seule chance de se tirer de ce mauvais pas.

ATTENTION : L’ARTICLE EST PLEIN DE SPOILERS SUR L’INTRIGUE DE PIRATES DES CARAÏBES 5, MAIS AUSSI SUR L’ENSEMBLE DE LA SAGA.

Drôle de franchise que Pirates des Caraïbes. Amusant de voir que la meilleure série de films que Disney ait proposé à ce jour soit adaptée non pas de comics, de films interstellaires mais bien d’une attraction présente dans leur parc. Malgré sa réputation de moins en moins glorieuse (la faute à un nombre de films trop important mais surtout à de leur qualité jugée inégale), la saga initiée par Gore Verbinski reste une institution et un rendez vous systématique pour tous les adeptes d’aventures (et ils sont nombreux). Comment justifier un tel succès ? À la présence de Johnny Depp, bien sûr, mais surtout à trois choses essentielles : l’humour, l’aventure, et la poésie. Cela pourrait être le slogan de Disney, d’ailleurs, qui a commencé ce qui allait devenir une firme faramineuse par des dessins animés poétiques, y ajoutant en suite des films d’aventures (Pirates, donc, mais aussi Benjamin Gates et toutes les adaptations de comics comme Avengers), insufflés d’un humour devenu symbole de la firme.

Pirates des Caraïbes premier du nom, c’était exactement cela. La combinaison gagnante entre la poésie (les histoires romantiques, les grandes mers toujours plus belles…), l’aventure (les Pirates, les reprises de grands mythes marins) et enfin l’humour, sensation devant le film que le personnage principal, Sparrow, est conscient de sa propre dimension fictionnelle, constamment en decisión de son entourage, et n’accordant d’importance qu’à des choses qu’il considère au dessus de toutes ces histoires. Le second film commençait déjà un peu à mettre l’humour entre parenthèses pour se concentrer sur l’action pure, le troisième l’enlevait carrément de l’équation pour faire revenir la poésie (le fond du personnage de Jones) et conserver la générosité dans l’action, enfin le quatrième film avait l’humour et … pas grand chose d’autre. Ce nouveau cru, il a tout retrouvé. Les trois atouts du premier film.

Pirates des Caraïbes
On avait peur de l’effet, mais il est cool et rend plutôt bien.

Fascinant de voir que le film fait de la paternité son sujet principal, alors que techniquement il est dans la filiation totale du premier opus de la saga. Depuis le début, Pirates des Caraïbes parle de paternité : c’est la raison d’être de Will Turner, qui refuse d’être pirate par honneur à son père … avant d’embrasser la fonction quand il découvre que lui même l’était. Elisabeth n’existait elle aussi que par son père le Gouverneur, c’est ce qui faisait aussi la douleur de la mort de celui-ci dans le troisième opus. Ici, le film se fait un festival de cela : la jeune fille savante (formidable Kara Scodelario), suivant une carte qui lui a été léguée par son père qu’elle n’a pas connu, se retrouve alliée au fils de Will Turner, qu’il veut libérer de sa fonction de capitaine du Hollandais Volant (ça ne s’invente pas, le film est aussi intéressant parce que ses enjeux sont construits en miroir à ceux de la trilogie originale, confirmant ainsi que le quatrième opus n’était qu’une parenthèse), et doit pour cela se battre contre un mort vivant, le Capitaine Salazar (Javier Bardem, toujours plus hypnotisant), qui lui même voulait avant sa mort tuer tous les Pirates après que l’un d’entre eux… ait tué son père. Tous se battent pour un Trident qui, la légende le dit, mettrait fin à tous les sortilèges actifs sur Terre. La Vengeance de Salazar a donc un amas d’enjeux dramatiques, à la fois personnels aux protagonistes mais aussi mondiaux, qu’il gère parfaitement jusqu’à une scène post-générique qui remet en question le statu quo de l’épisode précédent (le retour de Davy Jones, antagoniste culte de la série).

En Joker, en Deadpool de l’univers Disney, Jack Sparrow est d’autant plus fascinant qu’il n’a aucun intérêt à toutes ces histoires, agissant simplement pour sa survie. Il n’a cure des sortilèges, des héritages, de sa propre famille (dont il croise d’ailleurs un des membres, sans que cela ne l’interpelle outre mesure), n’existe que par amusement et volonté de vivre. Johnny Depp rayonne en Jack Sparrow, personnage lui donnant une fois de plus toutes les excuses pour les bouffonneries les plus drôles et les plus grossières. Il cristallise en lui même l’essence de toute la saga, qui prétend raconter des aventures formidables avec personnages animés de nombres intentions, mais met en son centre le personnage le plus cynique, le plus conscient de sa propre fictionnallité. Jack Sparrow est intelligent, il joue le rôle de l’imbécile, du sexiste, de l’ivrogne précisément car il a pour seule volonté de trancher avec ce que tous les personnages, cet univers au premier degré attendent de lui. Alors que ce nouveau film fait la part belle à la féminité avec le personnage de Kaya Scodelario, plus brillante que n’importe lequel des personnages et bien au dessus de leurs considérations, Jack Sparrow est son exact opposé puisqu’il ne prend rien à cœur, si ce n’est lui-même. Il est le symbole parfait de l’individualisme, on s’en moque parce qu’il est la cristallisation du pire de l’humanité, mais reste attachant en diable : il est un catalyseur, un exutoire des pires tendances du spectateur comme l’a aussi été Dr House dans la série du même nom.

Pirates des Caraïbes
Javier Bardem est incroyable en Salazar.

La paternité de l’univers de Pirates des Caraïbes, c’est aussi les mythes marins, l’attrait du public pour le spectaculaire, et pour le magique. Alors que les trois premiers films maîtrisaient parfaitement cela, le quatrième allait franchement trop loin dans la désacralisation du merveilleux, jusqu’à rompre la barrière entre l’osé et le ridicule (appeler la sirène Syrena… grossier, évident et beaucoup trop décalé pour être drôle). La Vengeance de Salazar retrouve de ce point de vue tout ce qui faisait le sel de Jusqu’au Bout du Monde, prenant très au sérieux ses références mythologiques pour créer un univers à la fois cohérent et enchanteur. Du Trident de Poséidon à la grotte maudite venue tout droit du Triangle des Bermudes, le film enchaîne les références et on a pour la première fois l’impression que tous les films sont liés, que l’univers partagé était depuis longtemps sous notre nez. Pourtant, il s’autorise encore quelques boutades, quelques vannes symboliques de l’humour cinématographique Disney, lequel a pour une fois toute sa raison d’être puisque la saga est une pure création et plus du tout une adaptation d’œuvre extérieure. Il suffit que l’humour ait une raison d’être pour qu’il fonctionne, et ici il est partie intégrante de l’univers. On est riait pas aux blagues d’Ant-Man, ici on rit quand le Black Pearl, qui devait reprendre sa taille normale, n’en reprend que le dixième… Certaines vannes sont un peu faciles, on pense À Sparrow qui s’endort quand Henry lui parle … Mais on pardonne quand on rit à la vanne suivante.

Visuellement, La Vengeance de Salazar est à couper le souffle. Les idées sont encore un peu timides, tout est un peu trop coloré mais la générosité qui faisait le charme des films de Verbinski est là. Entre la mer qui se sépare en deux murs d’eau, la séquence hilarante de la guillotine ou l’effet de flottement à chaque apparition de Salazar, Joachim Rønning et Esper Sandberg font preuve d’une vraie volonté de trancher avec la sobriété du quatrième opus. Chaque plan large est sublime, pas mal de l’action finale se passe dans l’eau et l’immersion, si vous me permettez le jeu de mot, est totale.

Pirates des Caraïbes
Va falloir s’escrimer pour sortir le bateau de la bouteille…

Que reprocher au film ? Il répond à toutes les attentes sur la forme et se permet même plus que cela sur le fond en bouleversant ce que l’on savait de l’univers. Pirates des Caraïbes, après avoir été reléguée au rang de gentille serie B, fait ici un retour enthousiasmant et prometteur pour la suite, qui devrait arriver assez vite si le film fonctionne. Pourtant, il marque avec la mort de Barbossa et la disparition des sortilèges à cause du Trident, clairement la fin d’une ère pour la série, si bien qu’on se demande bien ce que le suivant pourrait raconter… Même si on sait déjà qui reviendra, et surtout quel antagoniste !

Et, au vu de la promesse du dernier plan, on a hâte …

AMD

Adrien Myers Delarue

Résidant à Paris, A.M.D est fan de Rob Zombie, de David Lynch et des bons films d'horreurs bien taillés. Sériephile modéré, il est fan de cultes comme X-Files, Lost, ou DrHouse, ou d'actualités comme Daredevil ou Bates Motel.

2 réflexions sur “Pirates des Caraïbes, la Vengeance de Salazar : à qui la paternité ? (100% spoiler + scène post générique)

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