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Morts célébres et culture en berne : théories sur le déséquilibre générationnel et la place de la pop culture

Comment expliquer que nous semblons toucher par tous ces décès ? Comment définir le degré de tristesse ? Qui sont les stars ? Avons nous la même propension à connaitre les célébrités ? Pleure t-on plus Paul Walker que Michel Galabru ? La culture se perd-elle ?

[MAJ du 14 mars 2019]

Cet article expose deux théories qui ne se basent que sur des observations pragmatiques de son auteur (et qui expliqueraient que troller n’existe pas mais que le pragmatisme sauvera le monde).

Avant-propos

Je prends le « je » pour enrober un peu cet article qui part de deux constats de « vieux con ». A 37 ans, je pense ne pas être prétentieux et condescendant mais j’aime observer les gens qui m’entourent et comprendre leur fonctionnement et ce processus entraîne une sur-réflexion , une curiosité malsaine sur le pourquoi du comment. En fait, j’aime savoir pourquoi « les gens » disent telle chose et pas une autre. Pensent-ils vraiment ça? Y’a t-il des nuances ? J’ai toujours été l’avocat du diable dans les débats car je préfère comprendre avant de proposer un avis. Souvent, la personne en face de moi ne comprend pas que faire l’avocat du diable n’est pas déjà l’exposition de mon opinion. Cela pose donc de sacrés problèmes et quand les personnes démarrent au quart de tour, cela donne des incompréhensions, des bad buzz, du « troll » comme on aime à l’appeler quand on ne sait pas quoi dire. Les réflexions binaires des gens qui ne savent plus nuancer font que des débats tournent vite au vinaigre.

Voici donc deux théories que j’expose sur la culture par génération et sur la réception des événements culturels avec comme prisme de lecture, les morts « célèbres » de 2016, putain d’année et l’article « scandale » sur les millenials. Nous sommes en 2019 et Jan Michael Vincent (Supercopter), Luke Perry (Beverly Hills), Mel Hondo (voix VF d’Eddie Murphy), Carmen Argenziano (Stargate SG-1) nous ont quittés. Une part de notre culture adolescente est partie. Beaucoup se disent que c’est une loi des séries macabre et honteuse. Pas tant que ça. Nous sommes dans une période où nous serons entourés par la perte de nos repères pop. Nos parents l’ont été aussi dans leur vie avec la disparition de grandes figures. Mais pourquoi, nous, nous sommes pris par un étau qui semble plus fort?

Introduction aux modèles informatifs

Partons du constat que la culture populaire est l’ensemble des connaissances culturelles d’une population avec ses référents et ses événements. Pour tout phénomène, tout événement, il faut un médium d’informations. La grande révolution sociétale a été la télévision qui a regroupé en un écran tout ce que la presse, le cinéma et le théâtre pouvaient donner comme nouvelles informations divertissantes et culturelles. La culture devenait culture de masse avec ce meuble qui a transformé la vie des foyers et donc de ceux qui constituent ces foyers. L’éducation a muté, les vecteurs familiaux abandonnaient leur pouvoir et leur autorité pour la télévision qui était de plus en plus divertissante, variée, formative. Devenue modèle à part entière, la télévision a eu 50 ans pour devenir le premier médium mondial.

Puis vint Internet.

A partir de ce moment, une génération numérique a vu le jour, plus à même d’aller chercher l’information, qu’elle soit vraie ou fausse, déformée ou brute. Et une petite information se propage, devenant virale, plus importante, plus touchante.

Bagage culturel en déclin

A 37 ans, on est un enfant des années 80, un ado des années 90 et un adulte des années 2000. On s’en sort plutôt pas mal et on est ce qu’on appelle la génération Y.

Hélas, cette génération englobe aussi ceux nés dans les années 90 jusqu’en 2000 et je ne trouve pas ça très pertinent;. Il y a un fossé (et Dragon Ball et Pokémon) entre moi et un jeune de 20 ans. D’où le fait que je ne suis pas d’accord avec ces catégories suivantes :

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Source : http://www.robertson-associates.eu/blog/2013/11/29/which-generation-are-you-xyz-lost
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Source: http://blog.eazipay.co.uk/2015/06/talking-about-our-generation.html

Avec trois décennies de culture, on s’en sort donc plutôt bien surtout quand on voit ces époques marquées par de profonds bouleversements artistiques et technologiques. Nos parents ont eux, baigné dans la culture 60 et 70 et on un bagage culturel estampillé 50 ! Nous avons donc été éduqués par des personnes qui ont des modèles antérieurs aux nôtres tout en se créant nos propres modèles. Jusque là, rien d’anormal.

Nos enfants nés dans les années 2000 auront donc un background culturel de 30 ans apportés par notre éducation et nos références alors qu’eux, seront dans une époque où tout va tellement vite qu’il n’y a pas vraiment d’époque définie, et que la culture est véhiculée par un support universel, internet. Et nous devrons faire des choix. On ne peut plus résumer la culture que l’on a. Il y a des pertes. Les fondamentaux devront aussi être revus.

J’ai donc élaboré une théorie qui souligne la perte de la culture passée pour une culture immédiate massive qui a une durée de vie très courte.

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Comment lire ce schéma ?

La courbe bleue très arrondie montre que la culture de l’époque est grande mais que plus cette génération vieillit, moins elle connait ce qu’il se passe à l’époque où elle vit.
La courbe verte symbolise les « jeunes » qui ont moins de culture d’antan mais qui savent tout ce qu’il se passe actuellement.
Le schéma représente le bagage culturel et les wagons d’information :« Qu’avons-nous appris d’avant, que savons-nous d’aujourd’hui et par quels moyens l’avons-nous appris »

 

Une culture qui prend de l’âge

Nos repères culturels ont commencé avec la télévision et le cinéma, deux médias relativement jeunes. En culture populaire, nous sommes (nous la génération Y, le public de ce site, les twittos, la génération du web) tous aptes à connaitre le cinéma et la télévision des années 80 à nos jours. Et nos icônes, nos modèles qui ont représentés les grandes figures audiovisuelles ont commencé entre 20 et 40 ans. Le calcul est alors simple. 36 ans plus tard, ces icônes ne sont plus tout jeunes et auront donc de plus en plus de malchance de trouver la mort. La fameuse année de merde ! 2016 !

Stallonne, Schwarzenegger ont 70 ans, Clint Eastwood, Jack Nicholson, Al Pacino, Robert de Niro sont des papys. Les figures du cinéma comique français de l’époque De Funes ont perdu Michel Galabru, un grand représentant. Ces films ont plus de 50 ans ! Harry Potter a déjà 18 ans et Alan Rickman est parti jeune. Le Seigneur des Anneaux a plus de 18 ans on ne pense pas que Ian Holm, Bilbo, a 88 ans, que Ian McKellen a 80 ans. Quid de Duchovny et Anderson, nos héros de X-Files, série qui a 26 ans bientôt. L’acteur qui joue Fox Mulder a déjà 59 ans. Gerad Depardieu a 70 ans et une vie dissolue, On a fêté les 90 ans de la Reine (non pas des Neiges, d’ailleurs Google propose d’abord des Neiges plutôt que D’Angleterre quand on tape La Reine…) et les 100 ans de Kirk Douglas…

 

2017, 2018, 2019….

On ne dira pas que « tout va trop vite » mais nous sommes déjà à 19 ans passés dans les années 2000, époque qui sent toujours la « modernité ». 19 ans, c’est énorme. C’est l’écart entre 1981 et 2000, ce qui est tout de suite plus parlant.

Nos icônes vieillissent comme nous. Et par effet de levier naturel, les profits (de plus en plus d’icônes), et le pertes (les décès) nous entourent d’une manière abusive selon certains mais « culturellement » explicable.

Harrison Ford et Tom Cruise semblent dans nos mémoires des acteurs en forme. Ford a 76 ans, Tom Cruise, 56 ans. Au cinéma, ils en paraissent 20 de moins. Tom Cruise a 6 ans de moins que Carrie Fischer, disparue,, a le même âge que le récemment décédé Georges Michael. Ces repères d’âge donnent simplement un indice sur une culture qui vieillit plus vite qu’on ne le pense mais qui semble aussi très présente. La nostalgie nous montre que le temps passe mais que les souvenirs restent. Avec une info immédiate et des marques qui perdurent par nostalgie, notre temporalité est biaisée. Nous sommes tous vieux avant l’heure. Pour certains jeunes, Britney Spears est une vieille chanteuse. Alors que bizarrement, J.Lo reste encore très actuelle pour quelqu’un qui a fait Jenny From The Block en 2002.

 

Priorité dans la mort ?

On en vient à ce bad buzz que notre Twitter a eu le soir de la mort de Carrie Fisher et Claude Gensac. Un tweet malheureux de votre serviteur a ébranlé la mince réputation du site sur lequel vous êtes. Beaucoup d’insultes plus tard, la conclusion est là : il y a une génération qui ne prend pas le recul. Ce tweet le voici : Pendant que Twitter pleure Carrie Fischer, le Cinéma pleure Claude Gensac.
Le flot de tweets a suivi, qui sommes nous en tant que cinéphile a donné tant de crédits à une mort plutôt qu’à une autre, à juger que Twitter propose une pensée unique, qu’il ne faut pas pleurer Carrie Ficher ?

Le tweet dit il tout ça ? Non, il dit maladroitement que Twitter est un microcosme de personnes plutôt jeunes qui ont une culture populaire plus réduite que la moyenne à cause de modèles moins forts. Princesse Leia est plus importante que Madame de Funès. C’est une préférence pour certains, une priorité subjective aussi…
Est ce une question de donner la priorité  à une mort? Non mais ceux qui pleurent, priorisent d’eux mêmes. Donc qui fait de travers ?

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On pleure un défunt pour ce qu’il est, pas pour ce qu’il représente avant tout. Oui on pleure Princesse Leia évidemment. Oui on pleure l’actrice qui a défendu sa maladie toute sa vie et qui a été un modèle. Mais aussi, oui, il faut prendre du recul. Comme durant des événements malheureux où faire un statut de condoléances est plus un acte personnel pour s’auto-rassurer que pour aider la cause.
Ce n’est pas mon tweet qui est seul responsable, beaucoup commencent à se demander si on priorise les morts. Si on se pose la question, c’est bien malheureux d’une part (deux morts au même moment, comment gérer ?), mais de l’autre part, pourquoi toujours se poser la question et pourquoi ne pas tout simplement faire la part des choses et traiter chaque événement comme il doit être traité : en rendant l’hommage qu’il faut (et pas qu’on mérite).

C’est pour ça que j’ai créé ce site, j’ai envie d’analyser chaque fait avec son contexte. Oui Carrie Fisher a joué Princess Leia, oui c’est une icône pour les geeks mais dans le contexte culturel, Fischer a autant apporté que Gensac. Star Wars n’a pas une place identique au Gendarme de St Tropez par exemple mais son succès n’a pas à définir le degré d’importance de la disparition de son actrice. Star Wars touche plus de monde que les Gendarmes, c’est certain. Comme Luke Perry touchera plus la génération Twitter que celle de Mel Hondo.
L’héritage est le même, à des degrés divers. Leia est plus connu que Madame Crucho, oui. Rappelez-vous le décès de Tony Scott. Le réalisateur n’a pas fait que des chefs d’oeuvre et à l’époque de sa disparition, certains journalistes ont essayé de se dire : mais pourquoi on rend hommage à un réalisateur qui est juste connu pour quelques films grand public et aucun film marquant une génération ? Exemples chez L’Express (voir l’article) et Télérama (voir l’article)

C’est là tout le problème du traitement du décès de quelqu’un, surtout sur Twitter, surtout dans nos timelines. Nos timelines sont déjà subjectivées par nos soins. Nous suivons des cinéphiles et sériephiles qui réagiront donc plus du côté de l’affect que de l’intellect. Et cette différenciation peut nous jouer des tours, à moi le premier. Je suis davantage dans l’intellect puis dans l’affect. Pour certains, je suis un blasé, pour d’autres un rabat joie. Pour moi, je suis pragmatique maladif. Comparer, juger, analyser, exposer plutôt qu’exposer, surexposer, juger et ensuite comparer.

Vous pouvez aller lire cette étude très intéressante sur la culture à travers les génération et voir comment notre regard se forme et comment il se déforme suivant où nous nous trouvons.

 

Conclusion

Notre prisme d’analyse n’est jamais le même. Les gens sont tous différents mais quand un événement est là, notre affect semble revenir à des instincts primaires qui pioche dans le fait de s’auto rassurer, de tenir un modèle de politesse intellectuel qui est défini par un manque total d’analyse et ensuite de garder son opinion pour soi et ou de la sortir violemment quand notre autosatisfaction est touché. Pourra-t-on un jour avoir un débat où l’autre n’est pas là pour asseoir son avis mais pour comprendre l’avis de l’autre ?

Notre culture populaire vieillit. Si sa présence quasi quotidienne renforce un côté éternel de cette culture, elle subit les affres du temps dans la partie non fictive. Marty McFly vivra toujours. Michael J. Fox non. Nous amassons beaucoup, et comme il faut faire du tri, la Vie nous rappelle que rien ne dure. Ce n’est presque que le début.

 

Tom Witwicky

Créateur de SmallThings, 1er Geek Picard de la planète Exilé dans le 92

2 réflexions sur “Morts célébres et culture en berne : théories sur le déséquilibre générationnel et la place de la pop culture

  • Très intéressant comme article. Néanmoins, on ne peut pas nier la puissance de l’émotion face à un événement comme un décès. On réagit à ce qui nous touche, rien n’est calculé.

    Te concernant, je te vois bien être le gars qui lorsqu’il marque un but dans un match de foot « choisit » de ne pas exulter. Chacun son truc. 😉

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    • Tom Witwicky

      ahah c’est ça, j’exulte pas, je profite pas de l’instant, je sais que c’est pas fini 😀

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