On a terminé

Person of Interest, le chant du cygne

Avec une cinquième et ultime saison raccourcie, Person of Interest nous quitte sur le tard, alors que les programmes d’été sont dans les Starting Blocks, mais non sans laisser une empreinte tenace.

C’est que, si cette série CBS s’inscrit clairement et n’a jamais renié le format, aujourd’hui ringardisé, du Procedural. Person of Interest a aussi porté une des problématiques les plus sensibles de notre époque, sans simplisme, sans chercher à épater la galerie ou à nous en mettre plein la vue, mais en poursuivant une trajectoire remarquablement cohérente et honnête, à l’image finalement des personnages qu’elle a fait vivre, et parfois mourir, devant nos yeux durant 5 ans.

Cinq saisons, c’est ce qu’il lui aura fallu pour déplier petit à petit tous les enjeux que soulevait son point de départ, pour mener à bien sa réflexion sur l’intelligence artificielle, la politique sécuritaire et la place des individus entre les deux. Il nous a été donné d’observer combien ce pouvoir, auquel la technique nous donne aujourd’hui accès, et dont les avantages peuvent se révéler très séduisants en ces temps d’inquiétude sécuritaire, doit faire l’objet d’une réflexion attentive et être soumis à des débats minutieux.

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CBS

Depuis un Finch, isolé, qui décide d’endosser la mission de rendre toute leur valeur aux cibles « non pertinentes » identifiées par sa Machine et laissées de côté par un gouvernement obsédé par sa lutte contre le terrorisme, à un Harold, habité par la présence de tous ceux qu’il a réussi à mobiliser dans sa quête, devenu l’ennemi public à abattre d’une intelligence plus déshumanisée que jamais, nous avons eu le temps d’observer les bienfaits, les limites et les dangers que fait peser sur tout système démocratique la surveillance généralisée.

S’adjoignant les services de « gros bras » en quête de rédemption ou simplement d’une conscience, ce héros tout en retrait et en pudeur, distille en eux la même foi en l’humanité qu’il a enseignée à son « bébé » technologique. Chacun peut être victime ou criminel, rien n’est décidé par avance et il n’est jamais trop tard pour changer de camps.

C’est pourquoi maintenir cette question ouverte, ne pas donner accès à l’ensemble des données, fait toute la différence entre la Machine et Samaritain. L’une prétend tout savoir, tout prévoir, et se voit donc amenée à poser des choix purement utilitaristes, le meurtre de quelques-uns contre la « paix » de tous, tandis que l’autre, forcément désavantagée, garde la part d’incertitude qui lui permet d’observer le monde et les hommes avec curiosité et parfois surprise.

Person of Interest
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Après une saison très politique, il était donc normal que la série s’achève sur cette tonalité plus douce-amère et existentielle. Sous un ciel largement couvert, alors que les chances de s’en sortir s’amenuisent, alors que les adieux ne pourront plus être reportés plus longtemps, c’est du sens de la vie que Finch débat avec sa créature mourante. Et quelle que soit l’issue pour chacun d’entre eux, la réponse reste la même : la vie subsiste tant que reste quelqu’un pour en porter la mémoire.

Car, plus que d’intelligence artificielle, c’est bien d’hommes et de femmes que Person of Interest nous a parlé pendant cinq années, ceux que ses héros ont sauvés, ceux qu’il faut protéger de la menace totalitaire qui n’est jamais loin, ceux qui se sont révélés à eux-mêmes et aux autres dans l’adversité, cette humanité enfin si fragile, défaillante et surprenante à la fois que l’on regarde avec d’autant plus de lucidité que l’on adopte le point de vue d’une machine.

Si Person of Interest nous manquera donc, c’est cependant avec satisfaction que l’on aura pu cette année assister à son chant du cygne, qui la place sans conteste parmi les grandes et passionnantes fictions qu’est parfois capable de nous offrir la télévision.

Rose Digitale

Sériephile pathologique, également auteur d'un podcast sur les séries : http://seriesfolie.be/podcasts/feed/

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