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Rétro Pixar, J-15 : 1001 pattes

On continue notre rétrospective dans les méandres de l’animation toute en trois dimensions de la firme Pixar. Après avoir fait un passage (que l’on poursuivra bien assez tôt) par les histoires de jouets, intéressons nous à la vie des insectes… Avec 1001 Pattes !

Après le succès mondial, critique et commercial, indéniable qu’a été Toy Story, Pixar, avec tout le soutien de Disney qui peut se reposer sur les bénéfices, prend confiance en elle de manière créative. Sa nouvelle création, 1001 Pattes (titre français un peu farfelu qui remplace Bug’s Life, la vie d’insecte donc), est aujourd’hui quelque peu oubliée, méconnue du grand public, en ce qu’elle n’a pas connu le succès ou l’impact dans la pop culture d’un Toy Story ou d’un Nemo. Nul doute qu’en faisant un bilan des créations PIxar dans quelques années, 1001 Pattes sera plutôt de la notoriété de Rebelle ou du Voyage d’Arlo que de celle des Indestructibles ou de La-Haut.

Toujours est-il que, au moins techniquement, 1001 Pattes reste un film d’animation incontournable, ne serait-ce que pour bien comprendre le cinéma contemporain. Après avoir relevé le défi de la modélisation très ambitieuse des visages des jouets de Toy Story (qui, s’il peut aujourd’hui piquer un peu les yeux, reste une véritable prouesse technique pour l’époque), Pixar s’attaque à celui, notamment, de la modélisation des foules numériques, de par un choix qui pouvait paraître dangereux de représenter les insectes, minuscules (même si le film n’est évidemment pas à taille d’homme) et agissant par milliers. Le résultat n’a, aujourd’hui encore, pas à rougir de sa qualité, tant le produit final est convaincant. Décors naturels, colorés, baignés d’une lumière agréable et fort réaliste (on ne doute pas que les créateurs, fidèles à leurs habitudes, soient encore allés voir sur le terrain), personnages eux aussi très hauts en couleur sans jamais provoquer une indigestion picturale à la rétine du spectateur (coucou Vice Versa et son monde des rêves), l’incrustation des éléments est quasi-parfaite et fait de ce 1001 Pattes un véritable régal pour les yeux.

1001 Pattes
La Dream team !

Il est formidable de voir que, dans 1001 Pattes, la forme exquise rend hommage à un fond tout à fait à son niveau. Comme elle le fera pour de nombreux films dans les années qui suivront, Pixar se sert ici à fond de son anthropomorphisation, elle l’assume pleinement pour proposer un film toujours juste et cohérent dans l’écriture de ses personnages et de leurs personnalités. 1001 pattes n’est que rarement caricatural dans sa peinture des portraits de ses protagonistes, ces derniers ne sont pas seulement les prétextes à servir une intrigue mais ont une force propre au delà de l’identification du spectateur qui pourrait en ressortir. On est loin de l’aspect bancal d’un film comme Disney a pu nous en servir cette année avec sa nouvelle version du Jungle Book, aussi peu assumé que catastrophique dans son anthropomorphisme (voir la mort du tigre, scène aberrante et d’un nonense absolu pour peu qu’on connaisse quelque chose aux réactions du règne animal). Ici, les personnages, entre la coccinelle asexuée au possible, l’inventeur peu sûr de lui; malingre et maladroit, et la princesse plus qu’ambigüe quand à la tenue de son rôle et de ses obligations royales, respirent tous comme une peinture d’humanité, jusqu’à la description de bas instincts comme dans l’écriture de l’odieux criquet, brutal, absolument égocentré et carnassier, manipulateur et asservisseur des faibles et des innocents, mais aussi épouvatablement intelligent et retors.

Au vu de sa galerie de couleurs sur les personnages (des fourmis roses, bleues, le film s’en donne à coeur joie dans le délire), 1001 Pattes aurait pu être accusé de trop favoriser la cuteness. C’est sans doute en partie vrai, chapeauté par les studios Disney déjà passés maitres dans l’art des produits dérivés, 1001 Pattes est sans nul doute un produit qui ne relève pas vraiment de l’artisanal indépendant.Mais, contrairement au Olaf de la reine des neiges pour ne citer que lui, la cuteness du personnage, par exemple, de la princesse Atta sert ici un rôle assez important en pratique, un rôle de dédramatisation d’éléments qui auraient pu être lours à encaisser avec ma vision d’enfant (plus facile d’encaisser la violence quand l’ambiance est propice à la joie, de l’accepter quand elle se fond dans une série d’éléments irrationnels et loufoques), et même ne serait-ce que techniquement parlant les couleurs relèvent aussi d’un choix pour Pixar de favoriser une part de fantasme, présente sans trop insister dans le film, pour éviter d’avoir à affronter les difficultés d’un réalisme qui n’aurait par ailleurs pas forcément sied au film.

1001 Pattes
Parler de 1001 Pattes sans parler de Fourmiz ?

On peut regretter que 1001 Pattes n’aille pas au bout de son originalité pourtant certaine, comme cela peut se sentir dans l’étude d’une intrigue somme toute assez banale, même à l’époque, dans sa construction notamment, et les thématiques qu’elle invoque : le dépassement de soi du héros peu sûr de lui et moqué des autres qui se montrera héroique à l’aide d’amis est sans doute la structure la plus classique du cinéma, notamment d’animation. Le résultat final est convaincant mais trop manichéen, et surtout par trop simple dans ses dialogues : ici, le film souffre de la comparaison avec son alter ego, son ennemi de toujours qui est Fourmiz. Quand bien même, on sait en étudiant un peu l’Histoire du box-office que 1001 pattes était ressorti gagnant de la bataille entre les deux microdontes. Comment expliquer cela ?

Sans doute parce que Fourmiz a raté sa cible. Le film était clairement pour adultes malgré les apparences et l’animation de l’époque n’était pas prête à l’accepter. Les deux films, équipe oblige, se sont retrouvés dans un conflit assez violent alors que leurs deux propositions cinématographiques étaient différentes. On peut s’amuser à comparer 1001 Pattes et Fourmiz mais la pertinence de cette comparaison s’arrête dans le projet même à l’origine des deux films. Un portrait d’humanité simple et émouvant pour l’un et une critique acerbe et violente de la société de l’industrie et de la mécanisation pour l’autre. C’est aussi à ce niveau que 1001 Pattes est essentiel : en diptyque avec Fourmiz il symbolise un vision de deux cinémas différents qui, encore aujourd’hui, a son miroir. Suivez mon regard …

On parlera demain de Toy Story 2, vous retrouverez Léo pour discuter avec vous d’une autre histoire de jouets ..

AMD

Adrien Myers Delarue

Résidant à Paris, A.M.D est fan de Rob Zombie, de David Lynch et des bons films d'horreurs bien taillés. Sériephile modéré, il est fan de cultes comme X-Files, Lost, ou DrHouse, ou d'actualités comme Daredevil ou Bates Motel.

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