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Semaine Star Wars: The Clone Wars

En ce nouveau jour consacré à la saga intergalactique, penchons-nous sur les dessins animés, très importantes d’une part du fait de leur canonicité étoffant l’univers Star Wars, mais aussi pour le retentissement qu’elle a eu en tant que série propre (multiples prix et critiques). Décorticage.

Hier – L’EPISODE II, L’ATTAQUE DES CLONES

ATTENTION ! POUR CEUX QUI N’ONT PAS VU LES SÉRIES THE CLONE WARS SUIVANTES, CET ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS MAJEURS. LECTURE A VOS RISQUES ET PÉRILS.

L’univers Star Wars a été de multiples fois décliné à la télévision depuis les diffusions de la trilogie originelle, de la volonté même de George Lucas de voir se former son propre empire intergalactique cinématographico-télévisuel. Après Au temps de la guerre des étoiles, qui a laissé de mauvais souvenirs au créateur, et deux téléfilms mettant en scène les Ewoks aujourd’hui oubliés sauf par les vieux de la vieille car les trop jeunes n’étaient pas là pour les voir, et alors qu’une série Star Wars en prise de vues réelles pourrait devenir réalité grâce à Disney, Star Wars s’est surtout étendu grâce à l’animation, donnant lieu à pas moins de 8 séries animées, plus une encore en préparation. La dernière en date, Star Wars Rebels, diffuse actuellement sa saison 2, et une troisième saison est déjà prévue pour l’an prochain. Elle se concentre sur l’intervalle entre l’épisode III et l’épisode IV avec une certaine efficacité, restant juste esthétiquement, et sachant développer la mythologie enclenchée par les films par un juste mélange entre nouveauté et historique, les personnages aidant pour beaucoup.

©Lucasfilms
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Mais si Star Wars Rebels existe, c’est notamment (et surtout) grâce à l’héritage immense laissé par ses deux prédécesseurs, sur lesquelles nous allons nous concentrer dans cette chronique : Star Wars : Clone Wars (2003-2005) et Star Wars : The Clone Wars (2008-2014). Toutefois, il apparaît bien vite que c’est la seconde qui va prendre le pas sur la première, par l’impact qu’elle a eu en termes de mythologie d’une part, mais aussi de statut, faisant d’elle une série presque indépendante de Star Wars, d’autre part. La première série, elle, constituée de multiples épisodes de 3min (contre 22 à la seconde) ne brille que par sa manière d’introduire véritablement son successeur. Cela ne lui enlève rien quant à son poids dans l’univers, mais la série de 2003 souffre de ce format court, one-shot, presque événementielle, qui empêche de marquer le spectateur comme la série de 2008 saura le faire. Son esthétique, également, faite de dessins animés « plats », frappent également moins que les effets spéciaux en image de synthèse de la seconde, dont les animations sont parfois à couper le souffle. Néanmoins, Clone Wars a l’avantage d’introduire Asajj Ventress, Jedi Noire, padawan du Comte Dooku, et appelée à jouer un rôle important dans la seconde série, offre un peu de background au général Grievous, tout en accentuant un peu les traits des personnages originaux, ef notamment Anakin, qu’on voit devenir Chevalier Jedi, et enjeu de la création de Ventress, chargée de le tuer. Le combat entre les deux est LE moment marquant de Clone Wars, qui n’est pourtant pas avare en combats (notamment un déboulé de Mace Windu au milieu de droïdes assez épique). Celle-ci ainsi s’affirme comme un rapide lien entre les épisodes 2 et 3, finissant juste avant la mission de sauvetage du chancelier Palpatine

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Clone Wars (2003-05) ©Lucasfilms

Mais du haut de ses 6 saisons (et même si la 6e a été tronquée de manière incompréhensible, alors qu’elle achevait les arcs en beauté, pour favoriser la future Rebels), c’est bien The Clone Wars qui mène la danse côté référence. Se déroulant elle aussi entre l’épisode 2 et l’épisode 3, faisant suite à Clone Wars histoire de redonner un bon coup de collier à la saga, elle apporte quantité de choses sur le fond et sur la forme. Déjà, la qualité esthétique : la série est magnifique visuellement, toute en animation 3D, bien plus poussée qu’un style manga, et tranchant avec l’idée monumentale d’un style plus comics : Lucasfilms réussit un tour de force immersif, comme si l’on se trouvait face à un jeu vidéo qui se déroulerait face à nous (et au vu des événements dépeints, la comparaison n’est pas anodine). Déjà donc, par rapport à ses prédécesseurs, le ton est donné. Ensuite, le format d’épisodes de 22min permet de multiplier les arcs, ou simplement les petites histoires, ajoutant chacune leur pierre à l’édifice immense qu’est Star Wars. Et Dieu sait que The Clone Wars est allé explorer tous les coins et recoins, parfois très éloignés, jusqu’à également s’approcher énormément des futurs événements de l’épisode III.

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The Clone Wars (2008-13) ©Lucasfilms

The Clone Wars prend tellement de bouteille au fur et à mesure des saisons qu’elle s’impose comme un chaînon manquant, dont nous n’avions pas connaissance, mais dont l’irruption impromptue permet et de prolonger le plaisir de la saga, et de combler tous les vides laissés par les épisodes I et II, reprenant le visuel et la manière de poser de nouvelles intrigues à vocation complexe du premier, et les effets spéciaux et les petits morceaux de bravoure au niveau des combats (avec Jango Fett, Geonosis) du second, et préfigurant l’épique du troisième épisode. Cela en étendant considérablement la mythologie, d’où encore une fois l’avantage d’épisodes d’une vingtaine de minutes, dont le puzzle est achevé à la fin de la 6e saison (belle prouesse que d’avoir bouclé la boucle malgré l’annulation) puisque la quête mystique de Yoda permet de poser les enjeux de l’épisode III. Et telle la prélogie (parce que oui, malgré tout, il y a des aspects positifs à la prélogie), il y a une vraie volonté de ne pas se reposer sur des acquis purs et simples qui consisteraient à reprendre des valeurs énoncées dans les épisodes précédents ou même la trilogie originelle pour servir une soupe extrêmement décevante. Cela est d’ailleurs confirmé par le renforcement du didactisme de la Force : ainsi, avant chaque épisode, un adage est donné au lecteur pour lui, et pour orienter sa vision de l’épisode qui va lui être présenté.

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Le personnage le plus symbolique, mais aussi essentiel, de The Clone Wars, est Anakin Skywalker, sans aucun conteste, même si Yoda, sur la saison 6, peut le concurrencer tant on n’aurait pas cru au vu des épreuves qu’il affronte qu’il avait encore quelque chose à apprendre de la Force. Exit son allure d’ado rebelle ridicule de l’épisode II : déjà adoubé dans Clone Wars, Anakin arbore au fil des saisons le look qu’il aura dans l’épisode III, épisode où il a été bien plus apprécié que les deux autres. The Clone Wars est clairement la meilleure chose qui pouvait arriver au personnage, débarrassé du surjeu de son interprète pour évoluer indépendamment dans le monde à part qu’est celui de l’animation. On a donc droit à ses meilleurs aspects, ceux qui feront de lui le futur Dark Vador (donc la colère, la gestion des émotions), son aptitude au combat, montrant qu’il est bien le patron (puisqu’il est censé être l’Elu), et une évolution très sympathique, toujours dans l’humour fraternel (la série est d’ailleurs très drôle par moments), de sa relation avec Obi-Wan. La série n’y va d’ailleurs pas de main morte sur l’ex-apprenti d’Obi-Wan, puisque, dans l’un des trois meilleurs épisodes de la série, le mettant en scène aux côtés des entités représentant le Côté Obscur et le Côté Lumineux, Anakin cède une première fois à la tentation et combat Obi-Wan. Cela donne lieu à un Anakin voyant son avenir (mais la suite s’abstient de le laisser torturé par cela), explorant plus que jamais les pouvoirs de la Force, dans des scènes très intenses. Mieux encore : la série lui offre une padawan, Ashoka Tano, une des belles trouvailles de la série puisqu’Ashoka revient dans Rebels où son lien avec Anakin, devenu Vador, est judicieusement exploité. Sans en faire un cliché de gamine énervante, la padawan évolue énormément, de jeune impétueuse à Jedi quasi-autonome, dans le sillage de son maître (surtout dans le caractère), jusqu’à même lui offrir une épreuve finale qui met en suspens son avenir, tant et si bien que les fans la verraient bien débarquer dans un prochain film de la saga ! Mais c’est bien à l’identité The Clone Wars que la Togruta appartient, et il est plus probable, voire sage, de la voir rester incarner la continuation de Star Wars sur petit écran.

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Du reste, la série introduit beaucoup de nouvelles choses concernant d’autres personnages. A l’image d’Ashoka Tano chez les Jedi, est introduit le Capitaine Rex chez les Clones. Celui-ci va former un duo très intéressant avec le Commandant Cody (celui qui recevra l’ordre de tirer sur Obi-Wan), les affirmant comme des identités toutes aussi fortes, mais surtout, la série va leur donner un vrai rôle en les mettant superviseurs de la formation des Clones, principaux intéressés puisque la série se déroule pendant la guerre des clones. On a donc tout un arc, notamment, de 4 épisodes, où l’on assiste à des Clones s’entraînant durement pour être prêt pour le combat, mais aussi afin de montrer que ce ne sont pas de simples copies de Jango Fett obéissant aveuglément à l’Ordre Jedi. Ces malheureux soldats sont en première ligne quand il s’agit de mourir, mais le font parce que c’est leur devoir. L’Ordre 66 est en cela brillant car il inverse totalement ce processus. Et à ce sujet, comme pour Anakin et la Force, la série va opérer des bonds avant-arrière avec les soldats, puisque l’Ordre 66 est au coeur de plusieurs épisodes, où une nouvelle exploration du développement de ces soldats est opérée, complétant la première visite sur Kamino d’Obi-Wan dans l’épisode II. Le plus rageant dans The Clone Wars étant bien sûr que pour le spectateur connaissant les films par coeur, il sait que rien ne sera découvert, et n’en est que plus impuissant. La série se joue magnifiquement de cela, l’utilisant comme prétexte pour montrer que nonobstant leur attachement de base profond à la République, les Clones sont surtout privés de leur libre arbitre, sans la possibilité de se révolter tels des robots asimoviens, et finiront par être engloutis dans le plan machiavélique de l’Empire.

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Par ailleurs, outre le chancelier Palpatine, dont on a des aperçus toujours plus précis de comment il roule ouvertement tout le monde dans la farine avec une jouissance incomparable, Jar Jar Binks, fidèle à lui-même, ou bien Obi-Wan, à qui l’on offre rien moins qu’une amourette avec la Duchesse Satine et encore un combat avec Asajj Ventress (où c’est Obi-Wan qui a le sabre rouge, lui le sage), beaucoup de personnages secondaires ont du temps d’exposition, et bien d’autres personnages voient le jour spécialement pour la série. Dans la première catégorie entrent notamment Kit Fisto (tué par Palpatine dans le III, qui a droit à une mission diplomatique pour lui tout seul, ou presque, dans le conflit Mon Calamari/Quarren), Plo Koon (abattu en plein vol dans le III, qui fait à plusieurs reprises valoir son rang, notamment vis à vis d’Ashoka Tano), ou Ki-Adi-Mundi (exécuté alors qu’il partait à l’assaut dans le III, qui a lui une mission militaire pour lui seul). Le fait de s’appuyer sur ces pontes, qui malgré leur rôle réduit ont un impact véritable, permet à la saga de capitaliser sur son propre épique, offrant des séquences intenses (renforcées par la courte durée des épisodes), et parfois d’y intégrer des considérations politiques, invitant le spectateur à se poser en observateur informel de ce qui se passe. En cela, The Clone Wars dépasse la trilogie et étoffe la prélogie en ajustant correctement l’équilibre entre jouissance liée à cette expérience performative pure qu’est The Clone Wars, avec ses combats extrêmement rythmés ; et réflexivité liée au privilège du spectateur de voir un univers se développer de mille façons et visages différents malgré une guerre qui divise et qui ravage les systèmes, et où politique et droit sont constamment bousculés par l’irruptions d’intérêts particuliers, amenant plus facilement des compromis que des retours à la normale. Un des exemples est le conflit qui se déroule sur Mandalore, où la Duchesse Satine doit faire face à la milice des Death Watch, dont le leader devient, à un moment donné, un autre revenant que les fans ont été heureux de revoir : Dark Maul (à qui on offrira, tel un hommage, un apprenti, Savage Opress, et une revanche face à Palpatine et Obi-Wan, manière à la fois de ramener un personnage aimé et de mieux le traiter après sa légère apparition de l’épisode I). Cette association du neuf avec du vieux est incontestablement une réussite. 

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Dans la seconde catégorie apparaissent des personnages créées spécialement pour la série, certains se payant même le luxe d’empiéter sur la trajectoire des « historiques », c’est dire le symbole. C’est le cas de Hondo, le pirate (doublé par l’hilarant Jim Cummings, célèbre pour ses multiples doublages chez Disney), qui capture le comte Dooku sans remords, négociant au prix fort sa vie face aux Jedi, mais étant parfaitement capable de rendre service, pourvu qu’il est payé, à ceux-ci. Hondo est cet espèce de personnage non-joueur dans le conflit, tout à fait crédible dans sa création, et allant là où son intérêt le guide. On a également, côté « un personnage monumental qu’on a tendance à oublier, et l’acteur avec », Dark Bane, créateur de la règle des Deux, leader de l’ordre Sith, et qui n’est doublé par nul autre que Mark Hamill, se révèle dans un affrontement électrique, tant spirituel que physique avec Yoda dans les ultimes épisodes. Un mot, enfin, sur Huyang (doublé par l’excellent David Tennant, lauréat d’un Daytime Emmy pour sa performance), le premier Jedi robot de l’histoire, au centre de la formation Jedi, puisque c’est lui qui leur montre comment se fabrique l’arme la plus cool de l’univers : le sabre laser. Sachant se retrouver en permanence sans offrir de contradictions, reliant les fils narratifs, en inventant d’autres sans jamais se perdre, ayant la faculté innée de créer des personnages sans jamais les réduire à l’anecdotique (qui miserait, aussi, sur un colonel miniature tel que Meebur Gascon pour se tirer d’une planète hostile ?) et pour toujours mieux aiguiller son histoire, The Clone Wars semble si indépendante dans son mode de fonctionnement qu’on se complaît à parcourir tout le temps ces mondes infinis. 6 films, c’est court, et alors que le projet avait tout pour se casser la gueule (et quelques décisions avec, cf ramener Dark Maul à la vie) et rester à l’état de mort-né comme devenir un coup de maître, The Clone Wars a su se frayer un passage pour asseoir un peu plus la légitimité de la saga. Flirtant avec les limites, en créant de nouvelles, explorant son passé, son présent et son futur à la fois, ne laissant jamais l’univers être une longue voie lactée tranquille, The Clone Wars fait plus qu’assurer le coup : il transforme l’essai. 

Les dessins animés ont donc une place essentielle, autant si ce n’est plus que les films de la saga. Mais pour eux le parcours s’arrête ici : rendez-vous demain pour la critique d’Adrien sur l’épisode III de la saga, et en attendant, du même auteur, vous pouvez retrouver sa critique de l’épisode II ici . Que la Force soit avec vous !

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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