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Le spoiler et moi

Un spoiler est une révélation sur le déroulement d’une histoire. Cela vient du verbe To Spoil, gâcher, abîmer et porte bien son nom… du moins pour certains. Une étude prouvé qu’un groupe de personnes ayant quelques indications sur la suite de l’histoire appréciaient mieux la dite-histoire que celui qui ne savait rien. Alors le spoiler, ami ou ennemi ?

La bande-annonce de Batman V Superman a été dévoilé et beaucoup se demandent si les dernières trente secondes étaient un élément à garder secret ou pas. Ajouté à cela, les twittos en ont discuté, publiquement, et ont ainsi fait circulé le spoiler comme d’une information publique déjà connue de tous. Le spoiler devient « possible » dès lors que l’info es t divulgué et que la démarche de voir la bande-annonce est un acte normal, indispensable et donc qui  « déspoile ».

Etait-ce un élément déterminant ? Non mais cela faisait partie de l’effet de surprise du film ou du déroulement de l ‘intrigue. Certes la scène aurait été éventée bien avant dans le film si l’on était un peu documenté sur le scénario.
Ca ne s’arrête pas là, l’affaire prend un autre tournant quand les médias comme Premiere ou Allociné parleront de ce spoiler en titrant en gros l’élément dévoilé. Le débat s’impose donc, il faut savoir mesurer le degré de spoiler dans chaque image promotionnelle qui circule sur le Net. On le sait, les gros blockbusters sont dévoilés dans de nombreux spots TV où chaque micro-image inédite peut dévoiler un pan de l’intrigue.

Dans mes souvenirs, en tenant un site sur Superman Returns, j’ai du bouffer tous les spots TV de l’époque et il y en avait une bonne vingtaine. A ma grande surprise, le film ne me surprenait plus, les images n’avaient plus cette puissance. Pour Star Wars, il y a déjà une dizaine de posts TV qui dévoilent si ce n’est l’histoire, des scènes importantes.
En lisant à l’époque un forum dont un sujet parlait de la série Spartacus qui tirait vers sa fin, j’ai lu quelques remarques de membres qui se disaient finalement peu surpris du dénouement à venir puisque l’histoire était déjà toute tracée. Fait historique ou pas, nous ne sommes pas tous égaux face à l’Histoire, la grande. Je n’avais pas étudié Spartacus à l’école, ni vu le film de Kubrick, j’étais donc vierge de tout élément narratif sur le dénouement du personnage. La partie d’inculture d’un individu peut alors lui être un spoiler important.
Nouveau débat quand une critique sur une adaptation de livre en film s’est permis deux choses : révéler l’issue du livre ET donc du film. Ou se trouve la limite de la critique et du spoiler. Je ne lance pas le débat sur le rôle d’une critique qui ne doit pas être spoiler mais plutôt sur le rôle de la culture du spectateur/lecteur. Le livre est peut-être très connu, combien de nous l’ont lu ? Tout le monde connaît les Misérables, combien l’ont lu ? Certaines histoires font parties de l’inconscient collectif mais certaines moins que d’autres. Le public est inégal en culture.

Le spoiler ciné et série est quelque chose de redoutable. Un film a une durée de vie et un cycle de vie très différent de la série mais ça n’empêche pas que le spoiler est redoutable. La fin de Sixième Sens de Shyamalan, de Fight Club ou de Saw basées sur le twist ont-elle un droit de prescription? La fin d’une série vaut-elle plus que la fin d’une saison ? Le retournement de situation d’un élément de la série LOST en fin de saison 3 peut-elle gâcher la série ? Non, mais elle gâche une partie de la vision d’une partie d’un épisode quand un spoiler ciné gâche quasiment tout le film.

J’utilise le mot gâcher car l’effet de surprise est annihilé. Le spoiler concerne aussi tout type de révélation. Si on résume un film en racontant les trois-quart de l’intrigue, est-ce que le film pourra être quand même apprécié ? Oui car il concerne un gros pan de l’intrigue et non les détails mêmes qui génèrent la qualité du spoiler.

Des catégories se sont créées, il y a les anti-spoilers et les pro-spoilers. Ces derniers sont avides de révélations et veulent tout savoir pour être finalement encore plus excités de voir le résultat devant leurs yeux. Le degré d’attente n’est pas le même, le facteur surprise joue un rôle prépondérant. Certains préfèrent apprécier le résultat fini plutôt que la manière de l’amener. Inégal en culture, inégal en attente, le public est une masse de personnes très différentes. Les films se basent sur de la promo souvent à outrance et il n’est pas rare de devoir jouer sur les moments les plus impressionnants du film, les plus vendeurs. Et souvent aussi le spectateur devient un client qui goûte, en veut plus et finalement s’en retrouve gavé. Si on est surpris, est-on, par défaut, ravi et content sachant qu’on nous raconte une histoire qu’on ne connait pas et donc qui attise l’intérêt ?

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 Aujourd’hui le spoiler est tapi dans l’ombre. Autrefois discuter, décortiquer et même cacher dans des sections de forums spécifiques (aaah la fameuse section Spoilers…). Il fait moins peur mais demeure redoutable quand il est là. On peut tomber du jour au lendemain sur un tweet ou un statut spoiler. La multiplication des plateformes où circule l’info étend la surface d’action du spoiler. Le lendemain d ‘une fin de série, il est quasiment impossible d’aller sur son Twitter, vous risqueriez de tomber sur un tweet malheureux. Entouré d’informations, l’internaute doit devenir hermétique à toute fuite. Dur en ces temps où la moindre news se propage.Le spectateur de série se retrouve dans une situation dangereuse, il doit jongler entre les rythmes de diffusion de chacun. Twitter, Facebook, une image sur Instagram, sur Google, une vidéo Youtube et le drame est assuré. Le flot d’informations est tel que le spoiler est là, tapi dans l’ombre, prêt à bondir. Et le temps ne joue pas non plus en sa faveur. Les films, les séries qui ont des années d’existence, qui sont assez connus, non visionnés par une minorité se retrouvent souvent au centre de discussions tendues. Il n’y a pas prescription dans le spoiler, on aimerait mais la culture et la façon dont on l’aborde est différente pour chacun. A nous de savoir quand la surprise, l’envie, la volonté de connaître, de s’informer se rencontrent pour créer le moment propice de la rencontre avec l’oeuvre.  Ce travail personnel est réduit à néant par celui de l’autre. Bienvenue dans le monde merveilleux d’Internet.

Tom Witwicky

Créateur de SmallThings, 1er Geek Picard de la planète Exilé dans le 92

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