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Sicario : The Benicio Counselling Agency

Après son coup de maître Prisoners sorti en 2013, suivi de près par Enemy, le réalisateur Canadien Denis Villeneuve revient cette année avec son film coup de poing Sicario, présenté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes. Un énième film sur les Cartels mexicains qui comporte son lot de déception.

La zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate (Emily Blunt), une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement (Josh Brolin) dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique (Benicio Del Toro), l’équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.

Ce serait de la mauvaise foi de ne pas reconnaître les qualités certaines de ce long métrage. Villeneuve a la capacité de nous produire des films ambitieux sur des sujets difficiles à traiter et de le faire admirablement. Souvenez-vous de Prisoners qui nous plongeait deux heures durant dans un suspens insoutenable où les acteurs interprétaient des rôles complexes, jamais totalement transparents. Ici, force est de constater qu’on nous promettait la même chose, une histoire haletante et des personnages intéressants. C’est en parti réussi. Il nous faut souligner l’impeccable réalisation comportant de belles séquences soignées et millimétrées qui fait monter le spectateur en pression. Deux nous viennent à l’esprit, la première étant le passage de la frontière en voiture dans la première heure où le réalisateur nous sert des plans posés, qui ne tremblent pas, et beaucoup de plans aériens sublimes qui nous exposent un paysage aride et lumineux. Le deuxième étant le passage de nuit dans un tunnel, filmé en vision nocturne et thermique, qui apporte du suspens. Ces deux séquences à elles seules nous présentent la qualité de la photographie du film signé Roger Deakins – qui avait également travaillé sur Prisoners où certaines séquences étaient visuellement à tomber par terre.

sicario
© Richard Foreman

Mais là où son film précédent réussissait, notamment du point de vue d’un scénario très bien ficelé et accrocheur, celui-ci peine à s’envoler. Nous remarquons ces dernières années l’attrait pour les films de Cartel qui plaisent autant qu’ils agacent (notons que Benicio Del Toro était de la partie dans plusieurs d’entre eux TrafficSavagesParadise Lost dernièrement dans lequel il interprétait Pablo Escobar). Ainsi, le problème qui se pose ici est que Sicario, même si l’intrigue tient la route, n’est pas original et peine à renouveler une histoire vue maintes et maintes fois. Pourtant, le réalisateur fait le bon choix en prenant le parti de minimiser les scènes d’action spectaculaire et la violence (même si certains passages sont crus) et de suivre un rythme plus lent qui permet une bonne mise en place – la première mission au début de film prend aux tripes. Mais globalement le long métrage manque cruellement d’intensité, malgré un suspens bien présent durant quelques scènes – un bon usage de la musique et du silence – nous sommes loin du résultat obtenu dans ses films précédents. Paradoxalement, ce qui fait la force de Sicario, c’est-à-dire un rythme plutôt lent qui n’en fait jamais trop, est aussi son point faible puisque cela nous aurait permis d’avoir affaire à des personnages torturés et compliqués, or dans le cas présent, le film n’en fait pas assez. Malgré le talent des interprètes Emily Blunt et Benicio Del Toro (incroyable, encore une fois, dans ce rôle qui lui colle à la peau. Enough is enough ?) qui forment un duo inattendu mais très solide, leur personnage semble relativement sous développé, peu profond qui s’accorde à la froideur générale du long métrage mais qui peut gêner le spectateur dans sa recherche d’identification. Quant à Josh Brolin, il ne campe pas ici son meilleur rôle et importe peu.

Dans son ensemble, Sicario possède de très bonnes idées mais ne les exploitent jamais complètement au risque de nous laisser sur le bord de la route. On suit le film sans grand intérêt, passant du démantèlement d’un réseau de drogues à une vendetta personnelle, sans plus d’explications. L’enjeu : suivez Benicio, le Cartel, il en connait toutes les ficelles ! Dans les salles depuis le 7 Octobre.

Mélanie Marie

Du Seigneur des Anneaux aux films de Gus Van Sant, le cinéma me donne envie de partager, d'écrire, de débattre au mieux et dans la joie !

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