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Heroes Reborn : A Brave New Series

Cette année est celle des résurrections, et entre X-Files et Twin Peaks se glisse ce qui est devenu depuis son annulation un mélange entre une arlésienne et une frustration absolue : Heroes Reborn. Après un break de cinq ans et quelques tentatives avortées, Tim Kring a réussi à ramener son bébé, pile neuf ans après Heroes. Verdict

Nous vous avions parlé de Dark Matters, l’espèce de websérie prequel, qui augurait de belles choses sur la future mini-série (terme qui semble consacré pour Heroes Reborn : même Zachary Levi a déclaré que ce n’était qu’une mini-série pour lui, se suffisant à elle-même, et ne nécessitant pas de saison 2 !). Quant à la série-mère, Heroes, elle est passée de projet à long terme génial à projet maudit en passant par objet honni, la faute à une saison 2 tronquée par une grève des scénaristes, une saison 3 qui malgré ses bonnes idées partait en vrille scénaristiquement, et une saison 4 totalement aux abois. Aujourd’hui, Heroes Reborn tente de faire la synthèse entre projet original ayant fait table rase des erreurs passées, et attachement nostalgique à ce qui a fait en son temps son succès. Cela fait beaucoup de dualisme, néanmoins, on verra que le 2 n’est pas tellement le chiffre correspondant à cette série dont le concept renaît à une époque toute différente, celle où Arrow, Flash, Agents of Shield ou récemment Agent Carter et bientôt Supergirl occupent le paysage médiatique du petit écran, alors qu’à sa naissance, Heroes était seul au monde (ce qui rend encore plus triste quand on voit toutes les balles dans le pied qu’elle s’est tirées). Attention, des spoilers vont apparaître.

©NBC
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Heroes Reborn reprend cinq ans plus tard, presque là où Heroes nous avait laissés : après le « hero coming out » de Claire dans l’épisode final de la saison 4, les Heroes (maintenant appelés « Evos ») ont été plutôt adoptés par la société. Une certaine harmonie a lieu, jusqu’au moment où, lors d’un sommet humains-Evos à Odessa, une bombe explose, attribuée à Mohinder Suresh (le scientifique spécialiste de la question de l’ancienne série), tuant tout le monde. Dès lors, les Evos sont pourchassés, certains les dénoncent à la police, et leur existence est vécue comme dangereuse et à éliminer. Mais certains petits groupes tentent de résister à cette oppression, opposition divisée aux quatre coins du monde dont le chef de file est Quentin Frady, frère de Phoebe (vus dans Dark Matters), qui pense qu’il se trame un vaste complot, mantra qu’on ne cessera de nous répéter tout au long de ce double épisode de 2h. Noah Bennet, quant à lui, éternel guide anti-héroïque dans ce monde, tente d’oublier que sa fille Claire est morte à Odessa, jusqu’au jour où Quentin lui fait resurgir son passé, et ensemble ils décident de s’allier pour trouver la vérité sur toute cette affaire. Dès lors, nous faisons connaissance avec plusieurs groupes à travers le monde : Tommy Clarke au Canada, Carlos Gutierrez au Mexique, Miko Otomo au Japon…

Il a été dit sur les réseaux sociaux que Heroes Reborn n’était qu’une fanfiction de son prédécesseur. Le terme est à moitié juste, dans la mesure où, en effet, Heroes Reborn fait état d’un solipsisme patent, comme si l’on voyait Heroes, qui avait à l’époque été annulée sur la révélation de Claire, profiter de l’occasion pour montrer tout ce qu’elle avait prévu de faire si on ne l’avait pas bridée. Mais d’un autre côté, comment critiquer ce qui est totalement assumé ? Heroes Reborn ne se le cache pas : c’est une vraie suite de Heroes, avec un ton et une manière de faire qui si elles ont opéré un certain lifting (incarné notamment par le personnage de Molly Walker, gamine dans Heroes, bombe dans Reborn), restent les mêmes que l’original. Deux preuves patentes en sont que la série ne quitte pas son terme de Heroes, d’une part, ne faisant pas comme si tout était jeté aux orties en inventant un camouflage qui se révélerait être un camouflet nominal, reconnaissant et intégrant son héritage qui apparaît même nécessaire à l’existence de Reborn ; et d’autre part, la série appelle son premier épisode Brave New World, faisant écho au titre du dernier volume de Heroes, et aux paroles de Zachary « Sylar » Quinto. Ce projet extrêmement cher à Tim Kring s’est toujours pleinement assumé comme un retour aux sources en même temps qu’un nouveau souffle, les nouveaux personnages se retrouvant chapeautés par les vieux, Noah Bennet en tête, étant la clé du concept. Et en effet, le propos, centré autour d’une incompréhension menant à une guerre de chacun contre chacun où torts et raisons sont partagés, s’est stabilisé pour tenter d’offrir une nouvelle histoire, un nouveau volume, destiné à réintégrer les fans de l’époque comme à introduire les nouveaux au genre. La série n’avait de toute façon pas le choix si elle ne voulait pas se retrouver morte-née.

©NBC
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Ce propos, qu’on nous a teasé tout au long de l’été, est d’un intérêt réel : tout au long de ces deux heures, il est impossible de prendre position pour tel ou tel camp. Après un premier quart d’heure bien ficelé, on a d’un côté, des Evos en rang dispersé, aux méthodes plus ou moins radicales, plus ou moins conscientes, désordonnées, chacun étant dans sa propre quête (Carlos veut comprendre les agissements de son El Vengador de frère, Tommy veut juste une vie normale, Miko cherche son père) sans que cela n’aie de point commun pouvant crédibiliser les Evos. De l’autre, celui des humains normaux, ils sont tout simplement cruels, assassins, n’hésitent pas tirer sans même comprendre les Evos. A ce sujet, le symbole est le personnage de Luke Collins (Zachary Levi, à des années-lumières de Chuck), qui contrairement à ce que les bande-annonces ont laissé penser, n’est pas un Evo mais un flic qui élimine de sang-froid les Evos, et sa femme la « gâchette facile ». La violence se trouve dans le propos comme dans le physique : le body count de ces deux épisodes doit facilement atteindre, si ce n’est dépasser, celui de Heroes (où on avait par exemple Zachary Quinto qui zigouillait tout le monde à la Maison-Blanche), et bientôt atteindre celui d’X-Men 3 si ca continue sur ce rythme. De ce point de vue là, la série a gagné en maturité, inscrivant ses problématiques somme toute classique (on citait X-Men 3 qui justement avait traité le rapport humain/mutants, et même la saison 3 de Heroes jouait déjà sur ce problème) dans une ère plus actualisée, tant cinématographiquement qu’internationalement (qui a raison dans une société qui de toute façon part à vau-l’eau, et surtout, comme le dit le tag « Where are the heroes », qui pourrait se transformer en « Who are the heroes », notamment dans l’arc Carlos)

Cela mène toutefois à un arc cliché avec Tommy le surdoué qui embête personne mais qui se fait maltraiter par la brute du coin dont la copine prend fait et cause pour le pauvre gamin victimisé, un autre arc cliché de la fille Miko qui sait pas trop où elle en est et qui découvre des secrets sur son passé aidée par le geek du coin qui fait irruption dans sa vie, et un autre avec les frères qui feraient tout pour protéger un gamin notamment un qui oh my god se révèle être le Daredevil du coin. S’ils ne sont pas dénués d’intérêt, les personnages qui du coup se révèlent être calqués sur les modèles de l’ancienne série, avec Miko/Hiro (elle cherche d’ailleurs son père, les hypothèses sont vite faites) et le geek/Ando, Carlos/Peter, Tommy/Micah, avec Luke Collins en Sylar/Peter version « j’aime pas les Heroes »… La seule vraie nouveauté qui chamboule l’ordre établi, c’est Noah Bennet, qui a choisi une nouvelle vie, avant de se retrouver rattrapé par son passé et de revoir le Haïtien… qui tente de le tuer ! Caméo ultrarapide de Jimmy Jean-Louis d’ailleurs, puisqu’il meurt quand Noah se débat avec lui, et lui avoue que Noah lui avait demandé de le tuer et que quelque chose se prépare (basically, pour l’instant, une grosse aurore boréale). La mort du Haïtien, effaceur de mémoire, est un symbole de cette frontière old/new qui se retrouve brisée, l’ordre établi étant rompu à l’échelle de la série (Noah va se remettre dans le bain) et à l’échelle de la série TV (avec les nouveaux acteurs se mélangeant aux anciens) Quant à Molly Walker, qui a connu une croissance surprenante, on en sait encore trop peu pour savoir la vraie teneur de son implication dans tout cela.

©NBC
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Une originalité qui laisse donc un petit peu à désirer : si on ne s’ennuie pas pendant cette heure et demie (deux heures avec les pubs), Heroes Reborn tente d’abord un peu égoïstement de tirer la couverture à elle en choisissant d’abord une mise en place très étendue et classique (tant esthétique que graphique), offrant seulement des embryons d’histoire (qu’est-ce qu’il s’est réellement passé pour Luke et sa femme ? Claire est-elle vraiment morte ? Qui est le père de Miko, et pourquoi a-t-il fallu attendre un geek pénible pour qu’elle pénètre une salle de sa maison qu’elle voit tous les jours ? Où est Phoebe ? Que fait Mohinder ? Pourquoi la vie, et pourquoi la mort ?) qu’il serait bon de développer assez vite, car déjà deux épisodes sont passés, et Dieu sait qu’avec les retours des séries superhéroïques (notamment Agents of Shield mardi), les audiences de Heroes Reborn seront scrutées de près (6 millions pour ces deux premiers épisodes seulement, c’est loin de la saison 1 de Heroes qui faisait des scores à deux chiffres). Pour l’instant, les arcs manquent encore de pertinence (le jeu vidéo 3D auquel Miko accède, au delà de sa plastique douteuse, reste encore une question en suspens, car depuis quand le sabre de Hiro mène-t-il à un jeu ?), mais surtout de liant, et d’une vraie dynamique qui serait capable de tout emporter sur son passage. Plus encore, les personnages paraissent tous encore un peu hésitants, surtout Ryan Guzman qui semble mesurer tout le fossé avec Once Upon a Time, ou encore Kiki Sukezane qui a l’air encore plus paumée que son personnage. C’est pourtant un défaut préoccupant, car afin de ne pas dégoûter les fans, toutes catégories confondues, les promesses des trailers ont intérêt à être tenues, et la transcendance devra être de mise, avec des pouvoirs qui s’enchaînent et non de la violence gratuite, comme les nombreux coups de pistolet (et de sabre) de cet épisode ont pu laisser penser. Ce pilote laisse croire à une ambition limitée, se reposant sur son pitch, cherchant la complexité mais ne se donnant pas les moyens de le faire, comme cela a pu être le cas cet été avec Sense8, et jouant avec les nerfs des spectateurs avec l’idée efficace mais un peu usée du « it is coming, these powers are not natural ». Il aurait été préférable de rentrer directement dans le vif du sujet dès l’épisode 2, car si on a des pistes intrigantes explorées, le résultat se fait attendre.

Si ces deux premiers épisodes se révèlent plein de bonnes intentions, l’essence même de ce qui devrait faire le show est encore à insuffler. On croise les doigts pour les épisodes suivants !

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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