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Agents of Shield : deux saisons pour sauver le monde

La série produite par Marvel Studios va connaître son troisième chapitre le 29 septembre. L’occasion de revenir sur le point de départ de l’extension de Marvel à la télévision

ATTENTION, SPOILER GLOBAL SUR LES DEUX SAISONS. LA LECTURE DE CET ARTICLE SE FAIT A VOS RISQUES ET PÉRILS.

Agents of Shield ramène l’agent Phil Coulson à la vie : transpercé par le sceptre de Loki dans Avengers, il restait sur le carreau. Mais sans que cela soit expliqué (jusqu’à la fin de la saison), Coulson revient, disant avoir été sauvé de justesse et envoyé à Tahiti récupérer, du moins c’est ce qu’il croit. Nick Fury et Maria Hill le placent alors à la tête d’une équipe très spéciale, chargée d’enquêter sur les phénomènes paranormaux. Son équipe se compose du duo inséparable Leo Fitz/Jemma Simmons, experts respectivement en informatique et en biologie ; de Grant Ward, la force brute de l’équipe, dans tous les sens du terme ; de Melinda May, aviatrice et spécialiste des arts martiaux. A ce petit monde s’ajoute vite Skye, une hacker pro-liberté d’information qui devient consultante puis membre à part entière.

Agents of shield
©MARVEL

Agents of Shield, au vu de l’expansion monstrueuse et tentaculaire de Marvel dans l’industrie cinématographique actuelle, partait avec un certain désavantage, certains, notamment ceux prenant position pour DC Comics dans la rivalité qui fait rage depuis des dizaines d’années, y voyant un nouveau haut-le-coeur à venir d’un énième coup marketing. Alors certes, la série ne peut franchement y échapper, étant placée juste après Avengers, adaptant son propos aux différents films sortant simultanément (l’épisode 8 de la saison 1 fait référence à Thor 2, l’épisode 17 prend place après Captain America 2, et, dans la saison 2, l’épisode 19 se place en prologue à Avengers 2), et il faut dire que mener deux tels chevaux de bataille à la fois ne sentait pas bon pour une série clairement moins importante que les lucratifs films. Mais cela n’empêche pas Agents of Shield de proposer un pitch de qualité, entre références, autoréférencement (avec des caméos tout en punchy de Samuel L Jackson, Jaimie Alexander, et de Cobie Smulders), fanservice (le retour de Coulson AKA Clark Gregg le sourire 5 étoiles) et autonomie scénaristique (le postulat de base de développer le Shield à la télévision est tout ce qu’il y a de plus logique pour s’indépendantiser des films purement super-héroïque), où perle un humour en sous-main typiquement whedonio-marvellien dont on ne se lasse étonnamment pas.

La saison 1 d’Agents of Shield pourtant met du temps à démarrer : pendant les dix premiers épisodes, on a l’impression d’assister à une suite d’épisodes one-shot où l’équipe de Coulson se rôde, se fait la main avec divers cas de super pouvoirs illégaux. On a ainsi l’impression qu’Agents of Shield a attendu, en étirant le protocole d’intégration de Skye à l’équipe (ce qui rendait le personnage assez agaçant puisqu’étant marginal, on attendait seulement qu’il intègre ou disparaisse de la série, et dans la mesure où c’est un rôle principal, seule une intégration était possible et donc le trépignement de fans se sentant abusés inévitable), que Thor 2 passe avant de lancer le protocole « lancement de Captain America 2 », et dès lors, on assiste à une vraie bonne intrigue oscillant entre individuel, avec le retour très bien mené sur le comment du pourquoi du retour de Coulson, bien plus qu’un running gag (« It’s a magical place »), et collectif, avec l’étroit lien que TAHITI entretient avec le projet Centipede. Le traitement du personnage de Mike Peterson, loin d’être seulement un papa modifié par un costume « robocopesque », laisse le propos dans un équilibre instable donnant un nouveau souffle à la série et semblant définitivement la lancer, Skye trouvant par ailleurs sa place d’électron libre sur l’avion, Fitz-Simmons ayant une vraie importance de premier plan (et le traitement de leur ambiguïté absolument géniale), tandis que Ward et May assurent le spectacle physique, le tout face à un ennemi manipulateur bien marvellien, le manipulateur Clairvoyant et son bras droit, la mystérieuse Raina. Après tout, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, et il fallait bien une bonne vieille histoire d’ennemi tapi dans l’ombre pour jouer des cordes scénaristiques. La seule exception, de par la raison d’être de l’épisode en lui-même, est l’irruption de Lorelei, la magicienne sexy manipulatrice d’Asgard, l’occasion pour Sif de faire un caméo, le tout dans 45min balancant entre maladresse et gêne (« son of Coul », sérieusement ?), sauvé par le fun.

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La série prend ensuite un nouveau virage avec la mise en place des événements post-Captain America 2, ce qui donne un rush final de six épisodes à couper le souffle, le pitch prenant une tournure plus radicale dans un climat de trahison interne au Shield (dont le choix des commanditaires, Ward et Garrett, est une bonne idée dans le sens où il rompt avec une tradition lassante et lourde de personnages juste machiavéliques et narcissiques, ce qui surprend jusqu’aux personnages, voir la réaction de Raina déçue de l’identité de celui qu’elle vénérait). Là encore, pas franchement de vraie originalité, mais rappelons que c’est une série tirant ses inspirations de comics, et que ce genre de séquences y sont légion, de surcroît au vu de l’étroite rivalité entre le Shield et sa némésis, l’Hydra. La série se ménage alors une saison 2 tout en assurant le spectacle en fin de saison 1, en introduisant de plus quelques personnages sympathiques à l’image des agents Triplett et Koenig. La fin de la saison est tout à fait efficace, gérant bien ses rebondissements (notamment par le personnage de Victoria Hand, menant d’une main ferme les « twists in the plot » pour jusqu’à la fin nous faire douter, avant son assassinat impitoyable de sang-froid par Grant Ward dans une scène aérienne angoissante), entraînant le spectateur dans la chute du Shield et la montée de l’Hydra, faisant intervenir une tierce partie, l’armée, la caution « humaine ordinaire » qui ne tient que par le charisme de l’ex-Heroes Adrian Pasdar en colonel Talbot pour donner lieu à une opposition de style séduisante avec Coulson. On n’oubliera pas de mentionner le caméo final de Nick Fury, hilarant, pour déclencher les hostilités. Mais le final est vraiment réussi dans la scène étouffante où Ward lâche Fitz et Simmons dans la mer, enfermés dans un cube. C’est très pompier, mais tout en jeu sur les attentes des spectateurs ne pouvant qu’être attendris par la relation ambiguë à la fois mère/fils (elle lui prépare son sandwich) et amoureuse (puisque c’est bien par amour que Fitz manque d’y rester).

La saison 1 d’Agents of Shield s’avère donc être une bonne continuité et complémentarité par rapport aux événements des films. On peut toutefois objecter à la série ce qu’on peut reprocher aux films, c’est à dire le survol psychologique, avec des développements de personnages qui arrivent un peu par à coups (May reste relativement uniforme, même après avoir couché avec Ward, lequel ne change vraiment que sur l’arc final, tandis que Coulson ne prend une autre dimension qu’après la mise en place de Skye, et que Fitz-Simmons restent assez discrets, Simmons ne prenant son envol que par les mises en avant de Fitz). C’est d’ailleurs un écueil assez marvellien que de privilégier le mystère scénaristique à un développement plus en profondeur des personnages. Ainsi Agents of Shield peut donner l’impression, à l’issue de cette saison 1, d’une série qui se débat avec les restrictions créatives imposées par le calendrier cinématographique, en faisant une série d’action du petit écran où les questions morales à la Avengers 2 (sur Ultron principalement) sont reléguées loin derrière. Cela n’empêche pas d’apprécier la saison pour ce qu’elle est : assez intrigante et fun, divertissante à regarder.

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La saison 2 semble enfin donner à Agents of Shield sa part d’indépendance. Le Shield est en ruines, Coulson à sa tête, Simmons en couverture à l’Hydra, Fitz a des lésions cérébrales irréparables, May et Skye sont encore choquées (forcément, elles ont connu Ward, disons, intimement), et l’équipe est renforcée par le mercenaire Lance Hunter, le mécanicien Mack, et surtout l’agent Bobbi « Mockingbird » Morse, sans compter l’excellent agent Koenig et ses multiples frères. Emancipée de Nick Fury, porté disparu après son dernier legs mystérieux à Coulson, la série semble enfin se lancer définitivement, dans la lignée des intrigues de la saison 1, TAHITI et l’Hydra, dont la fusion amène à l’intrigue des Inhumains, qui auront leur propre film en 2019, et instaurant en personnage héroïque nettement plus appréciable Skye, dont les origines seront au coeur de la saison, qui s’en trouvera plus épique, plus punchy, et plus intense, comme on l’attendait à ses débuts, sachant offrir du spectacle tout en ménageant ses effets de surprises, pour que la saison en soit plus aboutie.

Deux temps se découpent pour ce second opus : avant et après la pause hivernale, celle-ci étant assurée par une autre série bien menée, Agent Carter (dont l’interprète, Hayley Atwell, effectue deux caméos dans Agents of Shield). Dans un premier temps, nous faisons connaissances avec les figures antagonistes de la saison, à savoir le Dr List, un nazi tenace étonnamment jeune pour son âge, Raina, que nous connaissons déjà, et le mystérieux Docteur (joué par un Kyle MacLachlan parfait), qui s’avérera s’appeler Cal (Calvin Zabo, alias Mr Hyde dans les comics) et se trouver être le père de Skye, dont l’identité véritable est Daisy Johnson, tout cela ajouté à Grant Ward qui est Hydra. Cela peut faire beaucoup, mais avec une bonne articulation, la série a su jouer des différentes personnalités de ces grands méchants. Pendant ces 10 premiers épisodes (et une pirouette pour relier le tout à Agent Carter dans le premier épisode), la série nous ballade, nous intrigue (qu’est-ce que Coulson dessine ? Qui est le Docteur ? Que veut List, quel est cet obélisque ?), avec un scénario sur la ville extraterrestre cachée, et prend le temps de se concentrer sur ses personnages (Coulson devenu chef, l’introduction des nouveaux, Simmons en agent « à contre-emploi », Fitz qui tente de rester lui-même malgré ses blessures, Ward et sa famille…) pour mener vers un final de mi-saison époustouflant servant de rampe de lancement à la saison 2, vrai réservoir d’aventures en tout genre.

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C’est à ce moment que les Inhumains apparaissent pour faire d’Agents of Shield une série « à part entière ». Tous les personnages prennent leur importance en eux-mêmes et par eux-mêmes, de sorte que même si Skye est au centre des enjeux, chaque personnage a un tel poids sur les épaules, en tant que personnages mais aussi en tant que personnes impliquées dans ces événements, qu’aucun ne se voit relégué au second plan. Mention spéciale aux personnages féminins qui ont une importance prépondérante, et pas seulement à l’arrière (voilà pour ceux qui pensaient que Joss Whedon, créateur de la série, était misogyne). Entre crise interne et renaissance, entre trouble et montée en puissance, la série explore une dualité qui jusqu’à la fin ne balance jamais plus d’un côté que de l’autre. Si la saison 1 semblait se faire opposer les méchants et les gentils, la saison 2 pose la question de l’ambiguïté intrinsèque à tous les personnages et de l’hubris dont il font preuve. De là découle une opposition idéologique de styles old school / new school entre Robert Gonzales et Phil Coulson, accentuant un peu plus le chaos intérieur et extérieur des personnages alentour. Ainsi la série explore le double jeu pour mieux développer les personnages : Coulson chef du Shield et hanté par TAHITI, le secret de l’humeur toujours ronchonne de May, Bobbi et Mack servant deux intérêts à la fois, Simmons infiltrée, Ward cherchant à combattre le Shield tout en menant une vie amoureuse, Fitz très touchant dans sa relation avec Mack l’aidant à se remettre en selle… Quant aux intrigants Inhumains, ils s’intègrent parfaitement dans cette trame dualiste pour offrir un monde et des habitants agréables (où on fait des soirées pizzas) avec toutefois un côté obscur. En plaçant Skye, symbole des affrontements internes et externes de par sa double nature, et personnage auquel le public s’identifie le plus facilement, au centre des propos, la série tire le public et son niveau vers le haut, pouvant nettement plus placer ses rebondissements intrinsèques (la révélation de Jiaying) ou extrinsèques (l’héliporteur reconstruit qui apparaît à la fin d’Avengers 2). On ne s’ennuie dès lors jamais dans cette saison 2, puisque toutes les mises en scène des événements proviennent de ces profondes introspections, jusqu’à la libération finale où l’hubris envahit tout le monde afin d’arriver à une nouvelle résolution, cela étant représenté par la transformation de Calvin en Mr Hyde à part entière. S’ensuivent punchlines (« Science biatch »), action et surtout surprises (n’est-ce pas Coulson estropié et Simmons horriblement absorbée par une matière extraterrestre sur une gaffe de Fitz ?) qui devraient mener vers une saison 3, on l’espère, passionnante.

Voilà pour planter le décor : la saison 3 reprendra bientôt, et il nous tarde de voir les surprises que la bande à Coulson garde sous le coude !

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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