On a terminé

P’tit Quinquin : bienvenue en absurdie

Depuis Les Revenants, jamais la presse ne s’était autant emballée sur une série française. Ceux qui avaient eu la chance de la voir avant sa diffusion était enthousiaste aussi. P’tit Quinquin était donc attendu au tournant lors de sa diffusion sur Arte, tout comme son créateur, le cinéaste Bruno Dumont, qui faisait ses premiers pas dans la comédie et dans le monde des séries.

D’ailleurs, Dumont lors de ses interviews, rechignait à parler de série pour qualifier P’tit Quinquin, voyant plutôt  son travail comme un long film. Au final, on a bien affaire à une série, découpée comme tel, avec des ruptures de ton, des sautes de rythme et une narration qui prend son temps pour se développer. Quatre épisodes pour une intrigue tout ce qu’il y a de plus simple : un corps est retrouvé découpé en petits morceaux dans une vache, qui est le responsable ? Bien sûr, la liste des victimes va s’agrandir au fil du temps, bouleversant la vie des habitants de ce petit patelin du Boulonnais.

Arte a donné carte blanche à Dumont pour son projet, et ça se sent. Fidèle à sa façon de faire, il n’a pris que des comédiens amateurs, du coin, pour que la série soit le plus naturel possible – sans oublier que lui-même est originaire de la région. Mais il a pris un risque en voulant faire une comédie, surtout sans expérience auparavant. Après avoir vu les quatre épisodes, je me dis que c’est partiellement réussi seulement : en fait, Dumont compte surtout sur le décalage de la situation et le montage pour créer le rire, pas vraiment sur les dialogues – mis à part le duo Van der Weyden/Carpentier, qui est vraiment burlesque. L’écriture n’est pas comique : elle est absurde, dans la veine de Beckett ou Ionesco. Cela n’empêche pas certaines situations d’être vraiment hilarantes – Ch’tiderman – mais ce n’est pas ça qui fait le sel de P’tit Quinquin. La série est avant tout portée par son ambiance, qui est complètement folle, et qui m’a fait penser à certains romans de Fred Vargas – certains parlent aussi de Strip-Tease. Et dans l’absurde, une ambiance travaillée et réussie est gage de succès.

quinquin
©Arte

Néanmoins, ce ton absurde ne masque pas les défauts de la série. Le plus grand, c’est le rythme inégal, surtout dans les deux premiers épisodes. La série manque d’enjeux au début, on découvre petit à petit à les personnages, mais certaines séquences sont vraiment trop longues et pas drôles. C’est pour cela que certains ont lâché prise dès le premier épisode, incapable d’entrer dedans. Autre point négatif, le jeu de certains acteurs amateurs, qui manque de peps parfois – c’est logique d’un sens, mais ça reste dommage ; et puis, l’écriture manque parfois d’ambition au début, surtout quand on la compare avec la fin, excellente. Certains ont trouvé que la série forçait trop sur les accents et que Dumont dévalorisait le Nord – avec les habituels complaintes sur le fait que tout le monde allait penser que les gens du Boulonnais sont des consanguins, etc. Déjà, en France, il existe des accents – et j’en sais quelque chose habitant dans l’Est, et c’est une oeuvre de fiction, pas un documentaire. Quant à l’image rendue, si vous pensez vraiment que les gens du coin sont tous des handicapés, on ne peut rien faire pour vous. Dumont montre des tronches ; dans une telle oeuvre, ça ne me gêne pas. Ca colle bien à l’ambiance décalée, et au final, on s’attache à la plupart des personnages.

Mais P’tit Quinquin arrive à s’affranchir de ces défauts si l’on accepte le fait d’être trimbaler dans cet univers étrange. Parce que Dumont a l’intelligence d’aller au-delà de la farce et de la parodie du genre policier : il l’embrasse. Le dernier épisode est un modèle du genre d’ailleurs, en faisant vaciller les certitudes de notre duo de flic. Le mal est partout, pervertissant dans les âmes innocentes ; et l’on retrouve ici une thématique que Dumont a déjà traité dans ses films. Et la toute dernière séquence, magnifique, si elle ne conclut pas l’affaire, a le mérite d’être cohérente avec le reste de la série, en étant à la fois sombre et légère – même si je comprends qu’elle puisse frustrer.

Au final, P’tit Quinquin est ça : à la fois marrante, décalée et absurde, mais aussi sombre et violente. Parfois Dumont a du mal à gérer tout ça, il se loupe ou manque d’ambition, mais globalement, il arrive à créer un ensemble cohérent et prenant. Mais P’tit Quinquin n’est clairement pas faite pour tous, et il est normal que certains n’adhèrent pas, surtout que la série trace sa route sans nous prendre par la main. Néanmoins, à titre personnel, je la trouve très bonne. Je regrette juste qu’elle n’ait pas été à la hauteur de ses deux derniers épisodes, vraiment un cran au-dessus.

Une réflexion sur “P’tit Quinquin : bienvenue en absurdie

  • rocc

    j’habite à 9km d’audreselles où la série a été tournée en grande partie , les figurants ont été payé 68€ la journée et il parait que les 2 policiers ont touché chacun 20 000 € selon une amie de ce village

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