On a terminéSériephilie

Breaking Bad, saison 1 : Green Tea

Après la dernière cérémonie des Emmy Awards, qui l’a vu rafler une grande partie des prix (meilleure série, meilleur second rôle masculin, meilleur acteur, meilleur second rôle féminin, meilleur scénario), il était temps de s’intéresser de plus près à cette série évènement qu’est « Breaking Bad ».

C’est ainsi que nous nous plongeons dans cet univers, comme on va pouvoir le constater, sombre. Voilà le topo : Walter White (Bryan Cranston) est un professeur de chimie somme toute lambda, bonne pâte et un peu trop gentil. En effet, ses élèves l’écoutent à peine, et pour subvenir aux besoins de sa femme Skyler (Anna Gunn) et de son fils handicapé Walter Jr, il doit faire des heures sup’ à la station-service du coin, où son boss l’exploite en l’obligeant à faire du rab. Mais le pire est à venir : le jour de ses 50 ans, Walter fait un malaise. A l’hôpital, on lui diagnostique un cancer du poumon en phase terminale. Il n’en a plus pour longtemps. Se rendant, à l’invitation de son beau-frère Hank, sur les lieux d’une arrestation de dealers de métamphétamine (ou meth), un trafic fructueux, Walter y reconnaît un de ses anciens élèves, Jesse Pinkman (Aaron Paul) en train de s’échapper des leux du crime. Se sachant condamné, il va proposer un deal à son ancien élève : il ne le dénonce pas, mais en revanche, ils s’associent pour créer leur propre trafic de meth. Jesse accepte, ils achètent un camping-car comme labo itinérant, et l’aventure commence, non sans soucis…

breaking bad

Voilà pour les bases. Autant dire qu’il faut rentrer dedans, avoir quelques affinités avec le style ambitionné par la série, et ne pas renâcler face à un rythme très lent ponctué par des moments de violence, à la manière du « Parrain ». « Breaking Bad », lancée peu de temps après l’autre succès de AMC, « Mad Men », avait fort à faire pour cette première saison, en cette fin 2007 touchée par la grève des scénaristes américains, et qui a vu son nombre initial d’environ 10 épisodes coupé à 7 épisodes. Fort heureusement pour elle, ce n’est pas ca qui l’arrêtera, à l’image de Walter ne reculant devant aucun mensonge.


Toutefois, « Breaking Bad » cahote un peu en ce début de saison 1. Si le pilote, 10 min plus long qu’un épisode normal, nous met parfaitement en place l’intrigue, l’ambiance les personnages, la situation, le choix de multiplication de flashbacks sur les 2-3 premiers épisodes donne l’impression d’une série qui manquait d’ambition, qui cahote, toussote (comme Walter, again), et dont les dialogues vont dans le sens d’une série qui pensait s’arrêter à la fin de la saison 1 : Walter se lance dans le trafic, et veut dans un premier temps arrêter les frais face aux difficultés et problèmes rencontrés, ne veut même pas prendre un traitement contre le cancer… Un peu comme si Vince Gilligan, le créateur, commencait à renoncer à son show face à cette grève des scénaristes handicapantes. On a donc au début un peu de mal à entrer dans le truc : Bryan Cranston est très bon, mais tire encore un peu trop la tronche, Aaron Paul paraît encore un peu hésitant, et Anna Gunn est assez consternante, pas aidée il est vrai par un charme robotique rappelant l’extraterrestre-espionne dans « Mars Attacks ». Néanmoins, l’atmosphère de polar ciselée, bien ancrée dans ce petit quartier de l’Etat assez pauvre du Nouveau-Mexique, occupé par des Latinos aux intentions pas forcément très charitables, et la tension pesante qui règne autour de cette famille qui accumule tous les malheurs (fils handicapé, père cancéreux, mère enceinte et pas d’argent) est brillante. L’émotion est palpable et les décors magnifiques, le tout est très efficace. Le meilleur exemple est la manière dont subtilement, sous couvert de sujet tragique et pathétique, Vince Gilligan glisse un aspect comique à cette série dans une longue séquence(plus de 10 min), dite du « talking pillow » où les personnages se rassemblent pour convaincre Walter de prendre un traitement contre le cancer. Entre le fils handicapé au bord de la dépression, le beau-frère plus beauf tu meurs, la belle-soeur aux intentions louables, et la femme au bord de la crise de nerfs, face à un Walter à court d’énergie et d’arguments, le tout avec un coussin de parole, l’humour noir est déversé tel du vitriol. Le contraste est saisissant entre un Walter devant gérer sa famille, et un Walter qui est en train de « breaking bad » (littéralement « mal tourner »). Cet aspect comique se retrouve au travers de nombreuses situations comme la scène d’arrestation dans l’épisode 1, celle du cambriolage dans l’épisode 7… « Breaking Bad » sait rire de tout.

Ponctuée, comme on l’a dit plus haut, de moments fulgurants cassant le rythme, « Breaking Bad » se lance petit à petit. La première étape intervient avec la scène de la baignoire, dans ce qui ressemble à une référence à « Pulp Fiction ». Mais la série démarre surtout avec la tournure plus radicale et plus noire que prend le personnage de Walter, jusque ici excellamment interprété dans un registre dramatico-comique par Bryan Cranston (ex-« Malcolm »), : rendu furieux par le traitement infligé à Jesse par le caïd du coin, Walter explose… A vous de voir ! Et à la fin de l’épisode 7, sans véritable cliffhanger, la série est bien installée, le pacte scénaristique est signé, entre Gilligan et les scénaristes eux-mêmes, entre les personnages et le scénario, et entre la série et les spectateurs : we entered the dead zone. A la fin, malgré tout, un défaut persévère : si Bryan Cranston est brillant, Aaron Paul trouve tout juste sa vitesse de croisière sur la fin de saison. Nul doute que son potentiel explosera par la suite. Mais le bât blesse avec Anna Gunn, fade de bout en bout, incapable de jouer avec les registres, confinée au pathétique. On attend vraiment mieux d’une actrice qui reprendra le rôle d’Olivia Colman dans le remake de « Broadchurch ». Quant aux personnages secondaires, on avoue un petit faible pour Hank, le beau-frère, stéréotype de l’Américain de base dont le statut de flic l’autorise aux vannes les plus grivoises.
Série méticuleuse, pointilleuse, on voit au travers de cette saison 1 les prémisses de ce qui a fait son succès jusqu’à la fin : une ambiance, une intrigue, des acteurs. Le cocktail addictif pour une sériephile et un plaisir pour les yeux !

Leo Corcos

Critique du peuple, par le peuple, pour le peuple. 1er admirateur de David Cronenberg, fanboy assumé de Doctor Who, stalker attitré de David Tennant.

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