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Computer Chess : Ghosts and The Machines

Le troisième long-métrage d’Andrew Bujalski, « Computer Chess », est un OVNI, ni mockumentaire, ni comédie, ni trip narratif têtu, mais tout ça à la fois. On essaie de s’y retrouver.

Une petite dizaine de salles diffusent actuellement « Computer Chess », contrepied évident aux films créant des univers à grand renfort d’effets spéciaux, et même des petits budgets tournés avec une caméra DV et arrivant à tirer des efforts de photographie plutôt louables. Rien de tout cela chez Andrew Bujalski, qui a décidé de filmer un tournoi entre programmeurs de jeux d’échecs dans un hôtel de Houston, au début des années 1980. Le retour en arrière est total : des discussions à couteaux tirés sur la Guerre Froide, Reagan et la Troisième Guerre mondiale imminente jusqu’aux imposantes machines capricieuses qui font le sel du film, tout y est. Mais Bujalski pousse le bouchon encore plus loin, en faisant une sorte de mockumentaire sur le tournoi avec des erreurs volontaires de montage, des effets VHS et un transfert qui pèche légèrement sur certaines séquences. Sans oublier les inserts du générique calqués sur les polices d’ordinateurs de première génération. Le noir et blanc est hasardeux, à peine calqué, mais tout cela est plastiquement délibéré.

Au vu de la coalition de petits génies de l’informatique réunis dans la pièce, on s’attend à ce que les moments embarrassants fusent entre équipes. Et c’est en partie le cas, avec en toile de fond des rachats de programme, des triches et surtout des bugs et erreurs de programmation. Mais la direction prise par « Computer Chess » est toute autre : l’hôtel devient vite un labyrinthe et les nuits blanches passées par les équipes à retravailler leur programmation font vite basculer le film dans une certaine ambiance oppressante.

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Le seul personnage vaguement comique du film, Michael Papageorge (Myles Paige), prend très vite la tangente du groupe : un peu arrogant, vite rejeté, il n’arrive jamais à trouver de chambre libre et devient le seul personnage à être un véritable électron libre. Bujalski livre un propos sur des machines qui étouffent leurs programmateurs et leur relationnel qui est à peine étayé avec leur confrontation à un groupe de thérapie de couple très new-age. Mais le ton comique est toujours distancié, pince-sans-rire, aidé par des acteurs amateurs qui ont une expérience en programmation. Vu les tangentes délibérées que prend son intrigue, pourtant très resserrée dans le temps et l’espace (quasiment à huis-clos sur un week-end), Bujalski ne met jamais vraiment à exécution une vraie identité narrative, malgré ses rafistolages lo-fi qui parsèment toutes les séquences. Le regard porté sur des personnages de programmeurs est plutôt tendre et jamais moqueur, mais il reste toujours dans une austérité réaliste qui l’empêche de décoller vraiment. « Computer Chess » est donc un OVNI qui a l’immense chance de trouver une maigre distribution en salles (avec un nouveau venu, Contre-Allée Distribution), en plus des prix remportés à Sundance ou La-Roche-sur-Yon, mais reste trop inégal dans ses résultats pour emporter l’adhésion.

 

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