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Le film Jappeloup ne s’adresse t’il qu’au public équestre ?

C’est le film dont tout le monde parlait aussi bien en Club que sur les terrains de concours, un biopic gros budget (26 millions d’euros) sur un cheval de légende.

« Au début des années 80, abandonnant une carrière d’avocat prometteuse, Pierre Durand se consacre corps et âme à sa passion, le saut d’obstacle. Soutenu par son père, il mise tout sur un jeune cheval auquel personne ne croit vraiment : Jappeloup. Trop petit, trop caractériel, trop imprévisible, il a de nombreux défauts mais une détente et des aptitudes remarquables. De compétition en compétition, le duo progresse et s’impose dans le monde de l’équitation. Mais les JO de Los Angeles sont un terrible échec et Pierre prend alors conscience de ses faiblesses. Avec l’aide de Nadia, sa femme, et de Raphaëlle, la groom du cheval, Pierre va regagner la confiance de Jappeloup et construire une relation qui va les mener aux JO de Séoul en 1988. »

 

Je suis parti sur la défensive. Jusque là, le milieu de l’équitation et de la compétition n’avait eu droit qu’à des réalisations débordantes de niaiseries, nous collant encore plus l’image de pseudo sport pour jeune fille en fleur en quête d’un complice… Dance avec lui, Sport de fille, Grand Galop et j’en passe, il était temps de sauver notre honneur. De plus, je n’ai jamais été fan de Jappeloup, préférant son éternel rival qu’était Milton.

La production a employé les grands moyens : un casting de haut vol avec Canet, Rochefort, Auteuil, Hands, réalisation comprenant grues, drônes, et post prod avec Green Screen, Stades loués pour l’occasions…

Bien, soit…

Mettons nous à la place d’un spectateur complètement extérieur au milieu. Bon casting, des acteurs justes, des moyens techniques,  une histoire de sport à l’américaine (partir de rien pour arriver au sommet au détour d’un parcours semé d’embûches), un montage jeune dans la maîtrise temps espace ( superpositions, flash backs, slow motions, traveling… ça n’a jamais été le point fort du cinéma français), des émotions universelles, ambiance old school… C’est un bon film. Pas de quoi devenir une référence ou bien culte, mais un bon film à sortir astucieusement si vous ramenez une demoiselle chez vous et que vous souhaitez l’émouvoir en jouant au sportif sensible.

Bref, passons au plus intéressant: l’avis d’une personne du milieu du CSO.

La première question que je me suis posé était la légitimité de Canet dans ce rôle, si cela ne relevait pas plutôt d’une faveur (il est le scénariste) ou d’un coup de marketing vis à vis de son image populaire… Et bien finalement je ne vois pas qui d’autre pouvait le jouer. Canet est une boule d’amour auquel on s’identifie toujours avec facilité, c’est sa force, mais il a réussi à m’étonner lorsqu’il devait endosser le rôle du l’égocentrique antipathique. Et je ne pensais pas que la production garderait ces traits du personnage, ainsi que d’autres (je garde la surprise…).  Mais il a adopté aussi le même style d’équitation que Pierre Durand, au point que lorsqu’il enfile sa bombe on jurerait à des images d’archives. Pour le rôle de Jappeloup, 7 doublures différentes ont été utilisées (chacun son role, le sauteur, le cascadeur, celui de spectacle, le nounours…) et impossible de les différencier à moins d’être averti et de faire une fixette dessus.

Idem pour les sosies des cavaliers de référence que l’on retrouve plus jeunes. Le sosie de Hubert Bourdy est troublant, celui de Eric Navet est ressemblant.

Vous serez étonnés que les portraits de beaucoup de personnages ne sont pas élogieux: un séléctionneur caractériel, des cavaliers qui la veille d’une finale restent en boite pour boire et draguer… Des petits détails qui prouvent que le film reste indépendant.

Ces détails, ils sont nombreux et fidèles. Le cavalier qui s’isole entre 2 manches, la première tonte, les vieilles vestes/couvertures/tapis de l’équipe de France qui sont une réplique exacte, le moment X dans le couloir avant de rentrer en piste, la finale des jeunes chevaux à Fontainebleau, le speaker qui annonce Eric Lamaze, le nom de Beerbaum que l’on peut lire si on a l’oeil sur la liste de départ, les discussions sur les options pour le barrage, les camions avec home-cars, les terrains de Barcelone, Séoul, et autres à la ressemblance frappante,… On s’y croirait.

Le seul détail qui me gêne est la groom… C’est l’élément populaire du casting, celle qui sert à aider les personnes externes ou les jeunes filles à retrouver un peu de magie dans ce milieu qu’est le haut niveau. Celle qui va apprendre au personnage central à entrer en communication avec son cheval en jouant avec lui, celle en qui est la seule à pouvoir le calmer, celle qui va donner la force au héros de remonter à la surface… L’idée est là, mais c’est tellement réalisé avec clichés que ça en devient grossier. Notamment un des premiers plans : On voit la jeune fille lisant un roman dans un près, le cheval galopant autour d’elle, baignant dans la lumière du crépuscule… Il s’en est fallu de peu pour que je vomisse de découragement.

En conclusion, dans tout les cas, regardez  Jappeloup, les professionnels se reconnaîtront dedans, les initiés retrouveront la recette de leur passion, et les néophytes découvriront une histoire et un monde particulièrement singulier.

Pour l’anecdote, Pierre Durand a déclaré dans la presse qu’il était déçu de son personnage, qu’il ne se reconnaissait pas dedans, le trouvant antipathique, égoïste  dédaigneux et désinvolte… Désolé Pierre, tous les spectateurs ont déclaré que le film était de tous points fidèle à la vraie histoire.

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